Petite curiosité cinématographique pour ce mon américain non officiel.
Et on sort des catégories que je regarde habituellement, puisque celui-ci est un drame sur fond de sport de haut niveau.
Retitré Jeu, set et match en français ( qui a le mérite d'au minimum laisser deviner de quel sport on va parler) j'avais un peu entendu parler de ce film pour 3 choses: Son sujet peu facile ( un parent manipulateur et abusif, en 1951!), le fait qu'il aborde ce sujet difficile en donnant la parole au parent abusif, persuadé de bien faire, via la voix off, mais aussi qu'il ait été réalisé par Ida Lupino, actrice anglaise extrêmement célèbre dans les années 1930/ 1940, devenue scénariste puis réalisatrice aux USA presque par hasard, domaine dans lequel elle s'est épanouie et a eu l'audace d'aborder des thèmes que les hommes évitaient ou traitaient de manière humoristique: problèmes de société, violence, agression sexuelle, manipulation, crises, féminisme, indépendance, etc...
On imagine les difficultés qu'elle a eu pour s'imposer dans les années 1950 dans un domaine qui estimait que la place des femmes était actrice, maquilleuse, costumière, à la limite extrême scénariste, mais pas derrière la caméra!
Et pourtant en 1950, elle intègre la guilde américaine des réalisateurs, seule femme sur un millier de membres. Ce qui donne une idée de son niveau pour que ces messieurs acceptent une femme au même niveau qu'eux. En 1953, elle devient même la première réalisatrice officielle pour un film d'action.
Ce film est son 4°, 3 autres suivront, avant qu'elle ne se réoriente vers la réalisation télévisuelle, en particulier d'épisodes de séries TV.
Donc ici, la jolie femme " forte et rapide" est Florence, une jeune championne de tennis, passionnée du sport dans lequel elle excelle. Alors qu'elle s'entraine à lancer des balles sur la porte du garage familial, elle est abordée par un étudiant, Gordon, qui cherche un chien en fuite. Il travaille à la fourrière pour payer ses études. C'est le neveu d'un joueur local réputé, et le talent de Florence l'attire, au point de lui proposer de venir jouer en double mixte dans un club local , qu'elle n'aurait jamais eu les moyens de se payer et les deux se rendent vite compte qu'ils ont de nombreux points communs: ils ont fréquenté le même lycée, Florence l'a vu jouer quelques fois, ils ont le même goût pour le tennis, et clairement, se plaisent mutuellement.
Là où Florence se dit qu'elle a rencontré une perle, un homme qui lui plaît ET cerise sur le gâteau, lui ouvre les portes d'une potentielle carrière de championne, Millie, la mère de Florence voit les choses autrement.
Millie est une femme pénible, très pénible: perpétuellement insatisfaite, aux ambitions démesurées,mais aigrie de ne pas avoir réussi par elle-même, elle a reporté toutes ses ambitions sociales sur sa fille, ne cesse de la pousser " pour son bien", s'incruste partout où elle va.. et considère que Gordon ne peut être qu'un tremplin pour propulser Florence au sommet, qui devra être vite abandonné pour aller plus loin. Pour Millie, les hommes ne peuvent être que des outils qu'on utilise tant qu'ils vous sont utiles.
Et de fait, c'est moins Florence que Millie le personnage central. Très intelligemment placé en retrait, mais qui observe tout, et l'actrice ( Claire Trevor) est vraiment excellente, arrivant à faire passer toute l'aigreur et l'ambition malsaine de Millie en un rapide changement d'expression. De fait Millie pousse sa fille, se faisant passer pour une mère aimante, mais pour son propre intérêt: être invitée dans le grand monde, rencontrer des gens riches et influents, obtenir des cadeaux et des rabais partout grâce à la notoriété grandissante de Florence, voyager avec elle - gratuitement - au gré des championnats.
Dans le fond, elle aime (ou prétend aimer) sa fille, mais cet amour cache une bonne dose de jalousie, puisque Florence est ce qu'elle-même aurait voulu être. Sa fille n'est rien de plus que l'équivalent d'un cheval de course, qu'on entraîne jusqu'à épuisement, sur lequel elle parie pour SE faire un maximum d'argent pas toujours de manière très honnête, en duo avec un ancien tennisman reconverti en promoteur, dénicheur de talent, "faiseur de champions", mais à l'honnêteté très aléatoire ( la aussi, la trouvaille visuelle est qu'ils la conduisent aux matchs en l'encadrant, sur fond de musique digne d'un film de guerre, comme on conduirait un prisonnier à son jugement, sans aucune liberté de décision)
Et Florence ne voit rien, laisse Millie répondre aux interviews pour elle, ne sait pas prendre une décision par elle-même sans la consulter..puisqu'elle a toujours vécu comme ça. La différence est flagrante avec le soutien discret, mais sincère qu'elle reçoit de son père, malade et trop effacé pour pouvoir ouvertement s'opposer à sa femme.
Et clairement, c'est une film étonnant, j'ai rarement vu le sujet de la manipulation abordé aussi directement, sans fioritures, sans faux-semblants... du moins si on pense que c'est un film qui date d'il y a 72 ans. Ce n'est pas un film qui enjolive, contrairement à son affiche qui est trompeuse: jamais on ne vois l'héroïne en soutien-gorge, encore moins sur un court, certains ont dû être déçus par cette affiche faites pour les hommes, alors que c'est bien les femmes qui y sont mises en avant.
Et sans happy end, pas de réconciliation possible entre la mère et la fille, lorsqu'elle découvre le pot aux roses. Millie se retrouve simplement face à la situation qu'elle a organisé mais qui lui échappe: on ne peut pas indéfiniment manipuler les gens. Pas non plus de lourd " châtiment divin", non, on est dans un cinéma étonnamment sec et brutal, l'histoire d'amour de Florence reste en retrait sans passer au premier plan, ne dégouline pas de bons sentiments, et rien que ça, ça fait un bien fou.
Oui, une femme peut aussi faire un film sur le côté moche du sport, et sans enrubanner la chose.
A voir sur universciné, qui est vraiment en train de devenir une de ma plateforme de streaming favorite, le catalogue s'étoffe de jour en jour, mettant en avant le cinéma indépendant, les films peu connus, oubliés, venus de pays peu mis en avant...
deuxième sujet et deuxième film de ce mois américain |
Et en plus il valide une des catégories du défi cinéma de l'an dernier: film qui se passe dans le milieu sportif.
Bonjour Purple Velvet, je ne passe pas assez souvent, je suis désolée... C'est qu'il est parfois (souvent) difficile (pour ne pas dire impossible...) de déposer des commentaires sur BlogSpot... Tiens, j'ai dû changer de navigateur... Je n'ai jamais entendu parler de ce film mais j'aime bien le tennis alors je regarderai si je peux l'emprunter quelque part. Bon weekend et bon mois de septembre à toi !
RépondreSupprimerPas de problèmes, j'ai même souvent des soucis pour répondre aux messages sous mes propres posts, c'est dire.
SupprimerAu pire, Universciné fait parfois des offres, j'ai profité d'une offre 10€ pour 3 mois cet été, avec accès à une partie seulement, mais déjà conséquente, de leur catalogue, comme j'ai encore quelques jours, j'en profite pour visionner un maximum de films que je chroniquerai probablement plus tard.