Que voilà une lecture rapide parfaite pour le 8 mars et pour rappeler les droits des femmes, et plus particulièrement et matière de relations et sexualité, mais aussi d'injonctions sociales.
On ne parle pas ici des problèmes liés au monde du travail, au plafond de verre ou aux inégalités salariales, puisque le lectorat visé est celui des adolescentes et jeunes adultes. Mais j'aurais beaucoup aimé à cet âge là lire ce genre d'ouvrage. Moi, la " fille grosse et moche", " habillée comme un sac","la ringarde", "même pas maquillée", et harcelée pendant les 4 ans du collège. Je n'étais pas populaire au lycée, mais j'avais au moins quelques copines, en général, les mal vues: lesbiennes, bisexuelles, punkettes, d'origine étrangère. Les autres victimes de -ismes ou -phobie: sexisme et racisme, grossophobie et homophobie.
Donc autant dire que lorsque l'autrice parle du harcèlement je l'ai vécu. Heureusement à une époque où il n'y avait pas de réseaux sociaux.
Mais oui, j'aurais aimé qu'on me dise qu'être différente, ce n'étais pas être anormale.
Et non, les filles ne sont pas obligées, en vrac, de s'épiler, de se maquiller, de s'habiller sexy, d'avoir des relations sexuelles ou sentimentales si elles n'en ont pas envie, de se forcer pour faire plaisir, d'être hétéro, de se plier à des pratiques tout droit issues du porno ( et l'autrice sait ce dont elle parle, ayant été actrice porno professionnelle: beaucoup de choses y sont outrées, jouées et surjouées- comme dans tout film- effectuées dans des conditions particulières avec de la préparation qui est coupée au montage.. et le tout renvoie une image forcément faussée de la réalité du sexe).
Plus important, l'ouvrage rappelle aussi que forcer quelqu'un à faire ce qu'il ne veut pas est légalement passible de prison; diffuser des photos sans son consentement est un délit, et que dans ce cas, ce n'est pas la victime qui est à blâmer, au contraire, l'autrice insiste sur la nécessité de ne pas rester seule dans son coin, sinon les criminels restent impunis. C'est même sur ça qu'ils comptent.
Inversement, l'accent est mis sur le fait de ne pas participer au harcèlement, et au contraire d'être solidaire avec la victime.. parce que dans le fond , ça peut arriver à tout le monde.
Et de fait, ça arrive à toutes. D'un point de vue social. Quoi qu'on fasse, on est jugées.
L'ouvrage est court et ne part pas forcément dans ces considérations, mais il faut quand même préciser que socialement, comme le dit un proverbe japonais " le clou qui dépasse appelle le marteau", et lorsqu'on s'écarte tant soi peu de la norme, ça a un coût psychologique. Il faut s'apprêter à faire face à tout ce qui va se dire. Et pour être armées et y faire face, ça commence par ne pas culpabiliser de sortir du rang. Qu'on ne se leurre pas ça m'a pris plus de 20 APRES l'adolescence.
Je suis passée par la case: ils ont raison, je devrais être plus féminine. Je devrais me mettre en jupe. Je devrais mettre des talons. Je devrais me maquiller.
Et la vérité, c'est que je ne me suis jamais reconnue dans les clichés de féminité qui me sont proposés, comme s'il y avait un modèle unique, et que tout écart soit une anormalité. La vérité, c'est que je n'aime pas porter des jupes hormis quand je le décide. Que je déteste porter des chaussures à talons, vu que j'ai un sens de l'équilibre hasardeux. Que je n'éprouve ni l'envie ni le besoin de me maquiller tous les jours ou de porter tout un tas de bijoux. que ma peaux fragile se porte infiniment mieux depuis que j'ai cessé de camoufler mes imperfections sous des produits qui ne faisaient qu'en causer plus. Que je n'ai jamais eu aucune envie de me marier et d'avoir des enfants, malgré les " tu verras quand tu seras grande". Que je suis bien toute seule et que je n'ai pas vraiment envie que ça change.
Il faut dire qu'ayant grandi sans recevoir la moindre validation masculine, ce n'est pas à plus de 45 ans que je vais la rechercher, je m'en passe bien.
MAIS, il faut être prête, quasiment au quotidien, à avoir droit à des questions, des demandes de justifications par des gens qui parfois ne vous connaissent même pas. et ça demande d'atteindre un niveau de je-m'en-foutisme suffisant pour ne plus se laisser atteindre et une maitrise du clouage de bec
Le débat peut vite évoluer comme ça: " t'es trop grosse", " oui et?"" ben t'es moche" " alors ne me regarde pas / te plaire n'est pas mon objectif de vie" "non mais si tu continue comme ça, tu finiras vieille fille" " c'est bien mon objectif" " oui mais tu mourras seule!" " on meurt toujours seul, même sans une catastrophe ferroviaire où il n'y a pas un survivant, toi seul/e peut faire l'expérience de ta propre mort" " ça te fait pas peur?" "non" ( et avec un truc comme ça, je vous garantis que l'autre ne reviendra pas à la charge, puisque "tu mourras seule" est un fait, pas une menace, mais par contre la personne qui le dit vous donne exactement son point faible: elle est mal à l'aise avec le thème de la mort, et ne sait plus réagir face à ceux qui en parlent librement.
Mais, c'est bien de commencer la prévention contre les stéréotype sexistes ( et franchement j'aimerais bien en voir une déclinaison pour lutter aussi contre les stéréotypes sexistes et injonction à un idéal de masculinité tout aussi ridicule que les pressions faites sur les femmes. Parce quand on voit ceux qui se proclament "mâles alpha", c'est mal parti pour que les garçons puissent comprendre qu'on peut être un homme sans être un blaireau)
Habituellement je ne suis pas fan des dessins de Diglee ( surtout pour une question de colorisation numérique, j'ai vraiment du mal avec ça, et c'est pareil pour Pénélope Bagieu, c'est juste pas mon truc graphiquement) mais là, ils vont bien avec le texte, apportent une touche humoristique et pertinente, avec le détail qui fait mouche ( l'affiche de la fille qui médite, ou le sac de celle qui va chez le gynécologue), et surtout il y a des grandes des petites, des rondes des maigres, de toutes ethnicités et ça c'est franchement cool.
Pour les plus grandes, je vous rajoute la courte série Libres! des mêmes autrices qui est très sarcastique
J'aime beaucoup le conte de fée du premier épisode ou l'idée de s'inscrire à un cours de sport pour péter les clichés sexistes ( l'ironie de l'histoire étant que se muscler le dos est en fait une bien meilleure idée que de se faire gonfler les nichons et les fesses, où de faire des squats pour gonfler du Q, puisqu'avoir un dos musclé permet de lutter contre les effets secondaires de... euh.. la bipédie). Sinon je valide l'idée d'un homme de ménage Q nu en pull mohair, rien que parce qu'elle est drôle.
dommage, il n'y a que 10 épisodes accessibles sur les 20 existants.
https://www.arte.tv/fr/videos/103450-004-A/libres/
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