Voilà un titre que j'ai trouvé par hasard en boîte à livres et que j'ai pris un peu par défi: je n'ai jamais lu l'auteur et de ce que j'en ai vu dans les médias, de ses prises de positions politiques... je n'apprécie guère le type. disons que nous ne sommes pas politiquement compatibles et ses positions climatosceptiques me gavent.
Mais... en tant qu'auteur je ne le connais pas du tout, et comme je n'aime pas juger sans savoir, donc.. allons-y.
La 4eme de couverture m'a tentée.
Et en définitive, j'ai vraiment apprécié cet essai de philosophie légère ( comprendre, pas de phrases interminables qui demandent 5 lectures pour comprendre où l'auteur veut en venir). Au contraire l'écriture est fluide, élégante et agréable, ce qui es toujours un plus littéraire lorsqu'il s'agit d'un essai.
Pour avoir une idée, ici, une compilation de citations.
Et pour ce qui concerne le fond, bien qu'écrit en 2000, je le trouve toujours pertinent, puisqu'il se penche sur un sujet moins futile qu'il n'y parait, l'injonction au bonheur perpétuel, devenue encore plus insistante après la parution dudit essai.
Comment est- on passé insensiblement d'une société ultra religieuse qui faisait du malheur une condition sine qua non pour atteindre un bonheur ultime dans l'au-delà, promis aux morts, et conditionné à la quantité de souffrances ici-bas, puisqu'il était supposé inversement proportionnel: plus tu en baves de ton vivant, plus tu sera récompensé après ta mort ( au point de pousser certains à se refuser le secours de la médecine afin de souffrir encore plus pleinement, mais aussi de freiner ses progrès pour contraindre tous les autres à faire pareil... et c'est encore le fond de commerce de certaines sectes), à une société entièrement dévouée à la recherche stakhanoviste d'un maximum de bonheur qui lui serait dû.
Mais y-a-t-il une demie mesure? Et dans le fond, c'est quoi le bonheur?
Est-ce qu'il est pareil pour tous? Est-ce qu'il peut ou doit se satisfaire de la banalité, est-ce qu'il lui est opposé ou complémentaire?, citant en exemple un anglais qui en 1998 avait décidé de fêter Noël tous les jours, pour finalement se rendre compte que cette autocontrainte ( s'offrir des cadeaux, manger dinde, chocolat et pudding à tous les repas) l'ennuyait mortellement.
Est-ce que l'injonction au bonheur n'est finalement pas une tyrannie aussi puissante que celle de la nécessité du malheur. Ce qui me fait penser que" Un bonheur insoutenable" sur ce même sujet, me tente depuis longtemps.
Et encore l'ouvrage a été publié en 2000, donc bien avant l'explosion des coachs en ligne, vous apprenant à maximiser votre temps pour en faire le plus possible, chaque seconde " vide" étant considérée comme perdue.
Bien avant l'invention du Bullet journal et de toutes ses variétés ( Bruckner cite par contre un auteur suisse du XIX° siècle dont la seule oeuvre est un fastidieux journal intime, qui raconte par exemple avoir passé plus de 8 heures à faire son emploi du temps pour tout l'hiver)
Comme j'ai besoin de m'organiser entre diverses activités, j'ai regardé un peu tout ça, et je sais que ça ne me convient pas.
Avoir un emploi du temps, un agenda, consigner des choses importantes, des choses à faire, automatiser des choses qui peuvent l'être comme le jour de changement des draps, faire plusieurs choses à la fois quand l'une peut être accomplie en pilote auto ( réviser l'allemand en cuisinant, ou l'espagnol en faisant du vélo d'appartement par exemple), oui.. mais à partir du moment où ça devient un espèce de concours à qui aura le plus beau, le plus décoré avec couleurs, dessins, autocollants, citations motivantes.. ça m'ennuie profondément, exactement pour ça: je ne veux pas perdre mon temps à l'organiser. Je fais du " en gros", avec des dates butoir, des activités à faire " vers telle heure", en fonction de celles qui sont fixes, mais pour le reste, je n'ai pas envie d'organiser chaque minute comme un plan quinquennal soviétique.
Je ne me suis jamais non plus reconnue dans le bonheur conditionné à la réussite matérielle et économique. Un autre chapitre consacré à la banalité mise en avant, et revendiquée, à la mise en scène d'un bonheur factice, de façade pour épater la galerie, nécessiterait une bonne mise à jour, après l'arrivée d'instagram, de tiktok et des influenceurs.
J'avoue sans culpabilité me moquer de la vacuité de ces gens qui étalent leur réussite sous forme d'appartement à Dubaï ( prêtés par une marque) ou d'achats compulsif au point de nous faire participer en vidéo au déballage de leurs courses sur des sites de vente à distance, ou même chez Leader Price.
Mais oui, Bruckner, s'il évoque brièvement une femme qui avait fait un happening en se filmant H24 pour faire participer les spectateurs à sa vie terriblement peu intéressante ( ménage, cuisine, glandouille etc..), n'avait pas prévu l'ampleur qu'allait prendre ce déballage de vie privée, ce concours assez pitoyable de qui qu'a la plus grosse (piscine ou voiture), le sac à main le plus cher, les faux ongles les plus fluo et plus handicapants (je suis oisive, regardez, j'ai des ongles en plastique rendant impossible la moindre activité manuelle!), qui méprise le plus les autres du haut d'une réussite qui peut disparaître du jour au lendemain, si la marque est insatisfaite du manque d'influence de l'influenceur et coupe les vannes du jour au lendemain.
Dommage qu'il ne dise rien de la Schadenfreude, principe allemand qui n'a pas de nom en français: le plaisir de voir la roue tourner en défaveur de quelqu'un de particulièrement casse-burette et vantard.😈
Car oui dans la guerre entre ceux qui contraignent chaque instant de leur vie, par exemple avec une orthorexie de fer qui n'est pas commandée par leur état de santé, ou ceux qui montrent l'organisation parfaite de leur frigo qui ne contient que des sodas et des snacks ultra-transformés et ultra emballés en mode " la planète, OSBLC", je me fous également de la gueule des uns et des autres
Sur le chapitre des maladies comme " manière de sortir du lot", ça me rappelle aussi des gens, toujours prompts à vous faire l'historique de leurs pathologies toujours pires que celles des autres, lorsqu'on a le malheur de leur dire simplement bonjour. Je ne parle pas des gens réellement malades ( qui sont souvent discrets au contraire) mais de ceux qui prennent plaisir à se définir SEULEMENT par leur maladie.
Ca me fait toujours penser aux " quatre types du Yorkshire" des Monty python, qui vivent dans le luxe et comparent leur enfance misérable, en en rajoutant des caisses et des caisses dans l'invraisemblable afin de montrer à quel point leur vie passée était plus pourrie que celle des 3 autres et donc à quel point ils sont encore plus méritants à l'heure actuelle que les 3 autres.
With subtitles, my dear!
Là encore, c'était avant 2020, les confinements et les " journaux de confinement" que certains auteurs ont écrits pendant qu'on était tous enfermés chez nous. Je me demande bien quel peut en être l'intérêt: je l'ai aussi vécu, mes amis et ma famille l'ont vécu, et je n'ai pas besoin que quelqu'un me raconte à quel point il s'est emmerdé chez lui. Pour moi ça s'est très bien passé merci, et j'ai été trop occupée à faire des trucs pour les raconter par le menu. Au contraire, l'isolation, quand on a un caractère introverti, est un vrai bonheur pour le coup: non seulement on n'en souffre pas, mais en plus, elle va dans le sens de notre mode de fonctionnement. 😁
Mais donc au final, j'ai bien aimé le livre, malgré le peu de sympathique que j'ai pour l'auteur, son écriture a des qualités. Il y a des passages que j'ai trouvés magnifiquement écrits,
"Guérir l'affairement du vide par plus de vide encore, tel est le cercle vicieux qui nous guette. Alors que nous avons moins besoin de quiétude dans nos vies incolores que d'activités authentiques, d'événements qui fassent poids et sens, d'instants de foudre qui nous terrassent et nous transportent. Le temps, ce grand pillard, nous dérobe continuellement; mais c'est une chose que d'être dévalisé avec magnificence et de vieillir dans la conscience d'une existence pleine et riche, une autre que d'être grignotés chichement, heure après heure pour des choses que nous n'avons même pas connues. L'enfer de nos contemporains s'appelle la platitude. Le paradis qu'ils recherchent, la plénitude. Il y a ceux qui ont vécu et ceux qui ont duré."
Autant faire partie de ceux qui auront vécu.
Et avec Bruckner, je commence en France ( et avec un peu de retard) le Tour du monde 2023. Particularité cette année, il fallait choisir un pays de départ ( pays de résidence ou d'origine, donc pour moi, la France), et ne pas y retourner ensuite. Les autres peuvent être visités plusieurs fois.
Et il y a deux aprcours: littérature ou illustrés. J'ai opté pour le parcours littérature.
Point de départ et Pays n°1: France |
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