Ce n'est vraiment pas de gaîté de coeur que je l'annonce.
Mais
les circonstances étant ce qu'elles sont, et malgré le calme à Saint
Petersbourg, j'ai dû rentrer précipitamment, l'université m'ayant
rappellée. Je n'ai donc pas eu le choix, contrairement à ce que pense
mon assurance qui estime que je suis rentrée de mon propre gré.
Evidemment,
le monde en guerre a des problèmes autrement plus graves que moi, mais
c'est quand même avec amertume que je vois mes 10 mois d'immersion réduits à 3 mois, d'abord par le covid au début, puis par la situation
politique. Et sur ces 3 mois, 1 et demi ont été consacrés à faire la
vaccination et obtenir le QR code local...c'est extrêment frustrant.
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"paix",
28/02/2022. quelqu'un a accroché des dizaines de ces colombes de papier
le long de la cathédrale notre dame de Kazan et des ponts de la
perspective Nevksi.
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Les circonstances:Nous
sommes dimanche 6, j'ai eu l'information lundi 28 février dans la nuit, me demandant
de rentrer immédiatement. Et en 4 jours, j'ai donc dû, moyennant quelques
nuits blanches et jours de stress, comparer les prix des compagnies aériennes, trouver une
solution pour rentrer, aller acheter une valise, réserver, payer, faire
les valises, tout en continuant les cours sur place mardi et mercredi, faire le test pcr, dire au revoir à tous les amis que je me suis fait sur place, et
repartir jeudi 3.
J'ai pu lundi soir heureusement en revoir un,
Konstantin, un jeune gars formidable, rencontré fin janvier et avec qui j'échange
beaucoup par écrit. Et qui, malgré ses occupations, apprenant que je
devais partir précipitamment, a débloqué une soirée pour me voir, me
changer les idées, me dire qu'il avait commandé auprès de sa famille à
Tchita ( région du lac Baïkal) un cadeau local pour moi, qu'il était
désolé de ne pas pouvoir m'offir puisqu'il ne l'avait pas encore reçu.
Il avait travaillé 30 jours sans week end et se réjouissait à l'idée de
me proposer de passer la journée ensemble le 8 mars pour mieux faire
connaissance, aller voir une expo peut être...Puis a fini par m'offrir un
exemplaire de Morphine, un de ses livres préférés. Pour le souvenir et
la journée ensemble c'est râpé, mais rien que son intention m'a fait un
plaisir immense. Sans le savoir il m'a fait un très joli cadeau, puisque
je voulais justement lire ce livre. Et surtout un autre
cadeau encore plus important: me remonter le moral quand j'en avais le plus besoin.
Je
reviens donc avec en fait, la chose la plus précieuse au monde:
l'amitié de quelqu'un qui est bien parti pour devenir un de mes
meilleurs copains. Ce jeune homme est une perle. Un peu trop jeune, hélas,
pour l'envisager autrement que comme ami car je pourrais être sa mère
(et c'est bien la première fois que je regrette mon âge!) mais s'il
avait eu 10 ans de plus ou moi 10 ans de moins, j'aurais probablement
tenté quelque chose, il est adorable.
Mais il compte dans l'avenir
voyager et apprendre le français, il va donc sans dire que je lui ai
proposé de prévoir son premier grand voyage en France ( c'était avant
que la guerre ne se déclare, actuellement ce n'est donc pas possible)
et, bien sûr, mon aide inconditionnelle le jour où il décidera de passer
à l'action et d'apprendre le français, il a d'abord besoin de parfaire
son anglais pour ses études en biologie, beaucoup de documents de
référence sont en anglais.
Je reviens aussi avec une copine plus
agée que moi, Ioulia, à Moscou, prof de russe pour étrangers avec
laquelle j'avais fait un stage en ligne à l'été 2020, et qui est une
dame formidable. J'ai eu la chance de pouvoir aller la voir juste avant
que la situation ne dégénère, je suis revenue de Moscou le mercredi
soir, et le jeudi matin la guerre était déclarée.
Il ya a aussi
Denis, le premier contact que je me suis fait à Saint Pétersbourg qui
m'a aidée plusieurs fois, Elena, Marianna et Rita rencontrées en ligne
et avec qui j'ai fait quelques sorties... Manque de chance, je n'ai pas
eu la possibilité de les revoir, étant partie trop précipitamment
pour qu'il ne puissent se libérer.
Avec d'autres, on a joué de malchance, nous avons échangé par écrit, mais sans trouver une possibilité de se rencontrer...En
fait le vrai crève-coeur dans l'histoire a été de devoir leur dire au
revoir par SMS ou par téléphone. Si j'avais eu ne serait-ce qu'une
semaine de battement, ça aurait été plus simple.
Et maintenant
je vois avec tristesse sur les réseaux sociaux une xénophobie anti-russe
qui se déclare. elle était déjà latente, mais il y a des messages
haineux à l'égard de médias axés sur la culture russe, par des gens qui
ne font pas la différence entre la culture et la politique ou entre les
populations et leurs dirigeants. Certains se censurent, s'excusent de
leur nationalité ou de parler d'un pays maintenant largement et
ouvertement décrié.
Mais apprendre le russe ou s'intéresser à a
culture du pays ne fait pas de moi une pro-guerre, je ne cautionne pas
l'attaque de l'Ukraine, je vois mes amis d'origine ukrainienne très
perturbés dans leur vie quotidienne.
Mais je vois aussi les
difficultés qui s'annoncent, pour Denis qui vend entre autre des
souvenirs et travaille dans une société qui participe tous les ans à
foires expositions en France et en Italie, et n'a pas pu travailler
normalement depuis 2 ans, son activité étant lié au tourisme. Il
espérait grandement le retour des touristes au printemps .
Marianna
travaille dans les douanes routières, les transporteurs arrêtent de
commercer avec la Russie. Pas de camions = chômage technique.
Dmitri,
représentant russo-lithuanien peut encore voyager en Europe avec sa
double nationalité, mais voit quand même ses déplacements professionnels
très compromis (quand on doit en 3 jours faire l'aller retour Saint
Pétersbourg - Italie et qu'il faut en plus passer par l'Estonie par
exemple, ça devient très compliqué, et son déplacement de ce début de
semaine a été annulé le jour même)
Les profs, le service
international de l'université, les employés de la cité U, la femme de
ménage.. tous ont des emplois liés à la présence des étudiants
étrangers.
Avec le rouble qui s'effrondre, les prix qui montent, le chômage qui s'annonce.. l'avenir s'annonce difficile pour eux tous.
Avant
de partir j'ai donné ma vaisselle et des provisions à Konstantin,
sachant qu'il est étudiant. Il travaille aussi dans un centre médical et
son actitivé n'est pas directement dépendante du tourisme, mais je sais
d'expérience que les étudiants ont du mal à joindre les
deux bouts, donc s'il peut économiser quelques repas, ça me fait plaisir. Une
bouteille presque neuve d'huile d'olive, des boites de conserve, du riz, des pâtes et un
pot de confiture entre autres .. et on aurait dit que je lui offrais la
lune.
J'ai laissé aussi des choses entamées (sel, poivre, pot de
café lyophilisé...) un pot de moutarde, des produits d'entretien, du
dentifrice, du shampooing, démélant et autres du même genre à la femme
de ménage super sympa, et dont je sais qu'elle n'a pas un salaire
mirobolant non plus. J'espère que d'autres étudiants auront fait la même
chose.
Le retour concret:Le retour a été compliqué:
non seulement ça m'a coûté plus de 1200 euros pour le transport et les
bagages, en dernière minutes, mais il a fallu trouver un parcours. Et
jusqu'à la dernière minute, je n'ai pas eu la certitude de pouvoir
revenir.
Mon premier avion devait partir de saint Pétersbourg le 3 à
15h, pour l'aéroport Sabiha à Istanbul. Le vol devait durer 4h environ.
L'avion
est parti à 18h30 pour "problème administratif" sans que personne ne
nous informe plus tôt, a été dérouté par le Kazakhstan et la Géorgie
pour revenir vers Istanbul, le vol ayant duré presque 7h. Il est arrivé à
l'aéroport New, toujours à Istanbul, mais à 40 kms de Sabiha, où mon
second vol devait décoller à 11.
Je me suis donc trouvé totalement
perdue à 1h00 du matin, dans un aéroport loin de celui dont je devais
partir, en ayant mal dormi les 4 nuits précédentes. J'ai failli y perdre
mon bagage à main dans la panique et le manque de sommeil, j'ai tourné
pendant 1 heure posant des questions à tout le monde.. qui ne parlait
pas anglais , avant d'arriver à le retrouver.
Or le temps de le
retrouver et de sortir, les navettes étant rares la nuit, il m'a fallu
trouver un taxi et rejoindre l'autre aéroport, encore 1h00 de perdue (
heureusement, le conducteur parlait bien anglais et était très sympa) où
j'ai aussi tourné 1h00 pour trouver mon hôtel. Autant dire que la nuit a
été très courte, puisqu'il me fallait être d'attaque pour pouvoir
prendre le second vol. J'ai pu enregistrer les valises à 8h 15, manger
très vite et...faire la queue. Longtemps.
Car les aéroports turcs tournent à
plein régime, puisque c'est encore une des rares plaques tournantes du
transport entre la Russie, l'Asie et l'Europe.
Le problème est que
l'Europe a commencé par les sanctions bancaires et aériennes AVANT de
dire aux gens de revenir. Donc de revenir par nos propres moyens, sans
pouvoir payer - et pour le coup heureusement que j'ai une carte russe,
mes camarades qui se sont contentés de la carte Révolut ont été bien
plus gênés que moi, ne pouvant plus rien payer. Et aussi, donc, sans avoir d'avion.
La
plupart sont partis en bus à Helsinki pour pouvoir prendre l'avion vers Paris
ou Bruxelles ou leurs villes respectives). Pour moi qui habite le sud de la
France, la Turquie était un meilleur choix, puisque j'avais la
possibilité d'arriver à Marseille, où on a pu venir me chercher. Arriver
à Paris m'aurait contrainte à prendre soit un avion de plus pour
Marseille, soit un TGV.
Mais donc je suis arrivée chez ma mère
hier après midi, j'ai passé la majeure partie de mon temps depuis mon
retour à prévenir tout le monde de mon arrivée ( université, famille,
amis ici ou en Russie..) à faire le ménage, pour pouvoir ranger mes
affaires.
Le bilan de ces 3 mois
Je suis très déçue évidemment de la manière dont les choses ont tourné.
Mais j'ai de bons souvenirs, voilà en gros ce que j'ai pu faire:
- l'Ermitage 2 fois pour voir la section archéologie et l'exposition temporaire sur Dürer ( magnifique)
- La Kunstkamera, le musée russe section ancienne et section moderne, plus l'exposition temporaire sur le cosmisme.
-
Les musées Dostoievski et Akhmatova, avec le cours de littérature. Je
suis arrivée trop tard dans la saison pour voir la maison de Pouchkine avec le groupe,
et je n'ai pas eu la possibilité d'y aller ensuite.
- Le cimetière Tikhvine et la cathédrale Alexandre Nevski, toute proche.
- 2 opéras au théâtre Mariinski.
- 2 concerts à la philarmonie ( heureusement que je nen avais pas réservé en mars)
- 1 concert à la cathédrale saint Isaac
-
1 ballet au théâtre Mikhaïlovski où j'ai pu voir ma vedette préférée
l'inimitable Nikolaï Tsiskaridze, dont je ne pensais pas qu'il se
produisait encore sur scène. comme je n'avais pas uen très bonen place,
je voulais y retourner le 7 mars car il y était à nouveau. il n'y avait
plus de place dans mes prix, entretemps pour cause de covid, les places
disponibles ont été réduites à 75%, et les mons chères étaient déjà
vendues. Si je n'avais pas pu y aller en février, et j'avais réservé
pour le 7 mars et que je ne puisse pas y aller, ratant peut être la
seule fois de ma vie où j'aurais pu le voir sur scène, j'en aurais
probablement pleuré.
- un concert de rock dans une salle indé
- Moscou pendant 4 jours où j'ai pu voir une
exposition sur l'avant garde en peinture, deux pièces de théâtre,
discuter jusqu'à pas d'heure avec Ioulia dans sa cuisine, aller au
cimetière Vagankovo pour voir les tombes de Sergei Essenine et Boulat
Okoudjava. Je n'ai pas trouvé Vladimir Vissotski , je n'avais pas assez
de temps ce jour là, et je n'ai pas pu y retourner. Je n'ai pas pu non
plus aller au musée d'histoire ou faire Geocaching autant que je le
voulais, ça ne passait pas dans mon planning serrré. Mais J'ai pu faire
une bonne promenade littéraire en allant du côté des étangs du
Patriarche ( Boulgakov et Krylov) et sur l'Arbat ( Okoudjava et Viktor
Tsoï)
- j'ai pu trouver de quoi apprendre un peu plus le géorgien
dans mon temps libre, il y a beaucoup plus de sources en passant par le
russe qu'en passant par le français.
Et surtout, je le disais
plus haut, je me suis fait des amis et penser à eux , et, espérer les
revoir un jour, si possible proche, soit en retournant en Russie, soit
parce qu'eux pourront venir me voir ici, rend mon retour un peu moins
pénible.
Les deux gros regrets sont de ne pas avoir pu aller voir
mon pote d'internet Albert, au Tatarstan: c'était prévu en avril pour
fêter mon anniversaire avec lui. Et mon autre copain d'internet Aksel, à
Ufa. je comptais y aller en mai, sur son conseil, quand la neige aurait
totalement fondu.
Le Baïkal est resté un rêve inaccessible ( pour
cause de budget en hiver, et en été.. ben, il faudrait pouvoir déjà y
retourner)
Vyborg est aussi resté à l'état de projet, j'attendais que
la glace encore présente ne fonde, c'était bien amorcé et en fait, je
prévoyais d'aller y passer la journée aujourd'hui ou demain :/
En
théorie, mon visa à entrées multiple est valable jusqu'à fin juin, mais
j'ai honnêtement peu d'espoir de pouvoir y retourner avant la date
butoir.
Il me reste donc à me remettre de mes émotions, J'ai un
week end de 4 jours pour le faire et ce n'est pas de trop; les cours
reprennent en ligne mercredi, ce qui est déjà mieux que rien, au moins
mon année n'est pas perdue.
Je vais aussi selon mes moyens ( j'ai
1000 euros perdus dans la nature, que j'avais essayé de me virer su mon
compte russe avant la fermeture de Swift, ils sont partis de France ,
mais n'ont pas été crédités là-bas, donc.. un gros trouvé économique
aussi!) de rependre les cours de danse, le chant. J'ai mon clavier et
mon basson ici qui ne me coûtent rien.
Je n'ai pas pu aller
comme je le souhaitais faire de recherches en bibliothèque pour mon
mémoire, j'ai quelques documents en PDF que j'ai commencé à trier, mais
le temps m'a manqué. Donc là aussi j'ai du pain sur la planche, pour ne
pas trop gamberger. il va aussi falloir que je commence la formatiuon en
traduction, dès que mon budget me le permettra.
Heuresement que j'ai toujours de plans B, C, D...
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Une
photo du coucher de soleil dans le premier avion, toute spécialement
prise pour Konstantin ( il aime la couleur orange) et Ioulia (le côté
abstrait et les couleurs saturées m'ont fait penser à l'expo sur l'avant
garde) L'idée que je leur ai développée est que même dans les
situations compliquées, je m'efforce de voir la beauté lorsqu'elle se
présente à mes yeux. Ce ciel était magnifique.
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Je n'en ai pas fini malgré tout, je continue les études à distance, tout comme je les avais commencées, donc l'année d'immersion n'est pas terminée.