Où nous retrouvons nos amis les chasseurs pour un 5° tome de racontars, ou plutôt, pour "un racontar exceptionnellement long".
Contrairement aux autres tomes, les nouvelles qui composent ce voyage à Nanga ont un fil directeur et une temporalité de l'été à l'été suivant.
Nanga? Mais je n'ai pas vu ce nom là sur la carte du Groenland? En effet, c'est une montagne située quelque part dans l'Himalaya, mais on va y revenir.
j'avoue que l'illustration, euh.. il n'y est question ni d'ours noir, ni de patinage |
Tout commence donc par une visite surprenante, qualifiée de "Putain de bordel " de nouvelle même, par Bjørken. alors que tous les chasseurs attendent tranquillement vers la fin de l'été le passage de la Vesle Mari, le bateau qui les ravitaille et leur apporte les nouvelles du continent avant un long hiver isolé.
Un passager innattendu arrive, ou plutôt revient: Halvor, brièvement apparu dans le tome 1 ( la vierge froide) et là, je demnde à tous ceux qui n'ont pas lu le tome 1 d'aller le lire, avec les 3 suivants dans la foulée, car ce tome 5 fait référence directement aux événements des précédents.
vous voilà prévenus |
Halvor le norvégien donc, avait, quelques années plus tôt été rapatrié de force sur le continent après une crise de vertigo majeure. Le vertigo est cette sorte de maladie mentale qui vous prend dans l'immensité du nord, à cause de la solitude et du manque de repères: parfois bénin lorsqu'il s'agit simple d'"envies" du au manque de femmes dans le Nord-est du Groenland, qui peuvent être facilement arrangées en allant se faire " régler le compas"au Cap-Sud, où quelques accortes dames esseulées se chargent d ela besogne. Parfois ce sont des lubies plus étranges, tel celui qui, pris d'une obsession pour les pâtisseries partit soudain avec armes et bagages en yole pour l'Islande, se goinfre de gâteaux au beurre.
Dans le cas d'Halvor la conclusion a été dramatique: lui et son collègue Le Vieux Niels élevaient ensemble le Roi Oscar, un cochon ( nouvelle du tome 1 donc), pour en faire le dîner des fêtes de fin d'années. Mais une crise de vertigo, des hallucinations, et Vieux-Niels est passé à la casserole en lieu et place du cochon, devenant ainsi le menu de Noël d'Halvor et du Roi Oscar.
Halvor donc est reparti se faire soigner, a entrepris de se faire pardonner auprès des puissances célestes ( bien qu'il ait eu une crise de folie et non commis délibérément un meurtre cannibale) en devenant séminariste. Seulement, il a la sensation d'avoir oublié quelque chose au Groenland.. mais il ne sais plus quoi.Des skis?pas vraiment. Un ronneau de viande salée? non plus..
Et donc voilà notre fil rouge: Halvor va passer une année, librement, à aller de station en station voir ses anciens compagnons, en espérant que lui revienne la mémoire.
Un tome toujours aussi truculent et absurde ( lorsque certains se mettent en tête de créer un élevage de boeuf musqués après voir tenté d'instaurer la viticulture sous les hautes latitudes; ou lorsqu'un avion s'écrase à deux pas de la tente d'un Halvor un peu stupéfait d'en voir émerger un femme, anglo-indienne qui plus est, et complètement garçon manqué), les chasseurs inventant sans cesse n'importe quoi pour s'occuper un peu, quitte à partir en vacances comme ça, à vélo, du jour au lendemain, mais quelque peu plus sombre que les précédents. Pourtant la série se distingue déjà par son sens de l'humour noir, CF le cadavre en salaison du tome précédent. Mais là, les histoires sont un peu plus dramatiques et/où mélancoliques, ne serait-ce que par ce souvenir d'homicide involontaire.
Car Halvor se retrouve suivi par l'ombre, ou le fantôme de Niels, pas rancunier. Car l'on découvre la véritable passion de Fjordur, avant le tricot. Elle est liée à des circonstances dramatiques et un passé criminel.. mais difficilement condamnable,car la justice et la légalité ne sont pas toujours du même côté.
D'ailleurs, ce récit sur son passé au Yukon m'a fait me poser une question sur la temporalité de ces histoires.
Il y a très, mais alors très peu de références chronologiques, hors "été" et "hiver" ou "quelques années après l'histoire de ...."
L'auteur est né dans les années 30 et à séjourné au Groenland dans les années 50 et 60. L'écriture des racontars , histoires inspirées de son séjour date des années 70.. alors, ça se passe quand au juste?
On sait que Le Comte fabrique son vin, et qu'il a quelques fameuses cuvées, comme 1928, et 1931. enfin, fameuses de son point de vue. Peu de chance que du vin Groenlandais se conserve longtemps surtout dans un coin où picoler est une occupation comme une autre.
Jusqu'à présent j'avais l'impression que les récits était contemporains ou un peu antérieurs au voyage de Riel, donc, début des années 50, vu qu'aucun événement d'envergure internationale n'est jamais mentionné comme point de repère.
Mais lors que quelqu'un se pose la question " Pourquoi n'y a-t-il pas d'Eskimos dans notre quoi" le docte Bjørken, qui a une encyclopédie en un tome, répond qu'il y en a eu " il ya à peine plus d'un siècle, ils sont mentionnés en 1828"..
Ce qui situerait donc bien la période des Racontars dans les années 30 ( et le récit du passé de Fjordur, qui sonne quelques peu ruée vers l'or, pourrait en effet être antérieur d'une 30 aine d'années encore au moment où il le relate, soit lors de la ruée vers l'Or au Yukon vers 1899)
L'intemporalité des récits fait que jusqu'à présent je n'avais pas eu cette impression, mais il semble qu'il faille en fait les situer dans l'entre-deux-guerres.
Mais que vient donc faire Nanga dans une série de récits sur le Groenland? Hé bien, c'est tout simplement le lieu d'origine de Miss Ma-Kin Mahoon, la pétulante anglo-indienne dont l'avion vient d'échouer aux pieds de Halvor. Après une jeunesse passée en Inde, les yeux rivés sur la montagne Nanga, elle a été envoyée en Angleterre par son notable de père pour apprendre les bonnes manières, désireux de transfromer en lady cette bien peu digne héritière, et heureusement laissée aux soins d'un oncle un peu farfelu qui la laisse mener sa vie de garçonne comme elle l'entend.
Ma kin n'apprend donc pas le piano et l'art du thé et de la conversation mondaine, mais la mécanique, et dès que possible, à piloter un petit avion, et hop, direction l'Islande et les Montagne bleues du Groenland car la neige lui manque trop. Cette arrivée va donc se faire avec fracas, au propre comme au figuré. Car on sait déjà que ces chasseurs sont de rudes gaillards, mais qu'ils ne sont ni xénophobes ( on se serre les coudes, peu importe d'où on vient, c'est une nécessité) ni sexistes ( il y a tellement peu de femmes dans le coin que s'il l'une d'elle tombe du ciel, on ne va pas la rudoyer et lui dire de repartir, et puis elle est bricoleuse, donc loin d'être un boulet), et que toute nouveauté est une distraction bonne à raconter, amplifier, déformer, lors d'une prochaine visite au voisin à 300 kms de là.
Et leur vie libre d'entrave correspond bien au caractère aventurier de Ma Kin.
Va-t-elle revenir dans un des tomes suivants, après avoir réalisé son rêve de revoir Nanga? Je n'en sais pas plus pour l'instant, mais j'ai déjà le tome suivant sous la main à lire dans les semaines à venir.
Jusqu'à présent j'ai illustré mes sujets d'images montrant le Groenland en hiver au printemps, en été et à l'automne et c'est toujours aussi superbe, mais pour le plaisir voilà donc la montagne de Nanga ( maintenant au Pakistan 2° plus haut sommet du pays après le K2 et 9 °sommet du monde.. )
Je veux voir ça, en effet si je pouvais me téléporter là, maintenant - en anorak, hein - cette vue, l'air frais.. tout ce que j'aime et je comprend la volonté de Ma Kin d'y retourner :)
Oh qu'est-ce que j'aime les racontars ! Ton billet me donne vraiment envie de me replonger dans les livres de Riel. Ca fait un sacré moment que je n'en ai pas lu et je me demande bien pourquoi ! J'adore cet auteur, vraiment, quel humour !
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