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vendredi 9 juillet 2010

L'habilleur - Ronald Harwood

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En fait la raison qui m'a poussée, outre festival à parler un peu de théâtre, c'est celle qui a fait le tour des informations ces temps ci, à savoir la mort d'un de mes acteur favoris, le regretté Laurent Terzieff.
Et suite à la diffusion à la télé  hier en hommage de la dernière pièce qu'il a mise en scène et interprété, il me tenait particulièrement à coeur d'en parler ici. Je ne peux quand même pas m'empêcher de noter qu'il faille attendre la mort de quelqu'un pour avoir une pièce de théâtre (autre que boulevard en tout cas), sur les chaînes du service public. C'est infiniment regrettable.

Donc vous l'avez sûrement compris, cette pièce est la dernière d'un grand acteur et metteur en scène qui vient de mourir, et que j'appréciais énormément pour son talent, son charisme, son exigence professionnelle,. Je suppose que pour pas mal de monde il s'agit d'un complet inconnu, car il a surtout travaillé au théâtre, et comme il n'avait pas forcément le physique idéal du jeune premier, il n'a pas forcément eu les honneurs des Unes. Ce genre de gens qui font un peu partie du paysage, auxquels on ne pense pas en priorité quand on vous demande de citer un acteur de théâtre, et qui laissent un vide énorme à la mesure de leur talent en partant. Il venait justement de recevoir enfin le Molière du meilleur acteur en avril dernier, et il franchement l'air malade, on pouvait se douter qu'il ne serait plus là très longtemps.
Ce gars là, je l'avais découvert en 94 quand le prof de français nous avait traînés voir Germinal, et peux vous dire que tout ce que je me rappelle du film, c'est sa prestation de vieux mineur syndicaliste, tant elle effaçait tout le reste.
Or donc, passons à la pièce d'hier soir, "l'habilleur". Je ne savais pas du tout de quoi ça parlait, et je l'ai donc regardée sans a priori. et je peux vous dire que je m'attendais à tout, sauf à une pièce humoristique ( attention humour noir, même très noir quand même!)
L'argument: en Angleterre, en 1942, tout le monde est sous les drapeaux, il ne reste que pour jouer au théâtre que les éclopés, les réformés, les "aînés". "le maître" est justement un acteur vieillissant, dans un théâtre peu côté, il repousse indéfiniment le moment d'annoncer sa retraite qu'il ne peut se résoudre à prendre - tout en passant le temps à se plaindre paradoxalement, d'être usé, et de vouloir vivre une " sénilité sereine". L'action commence au moment, ou le maître pris d'une crise d'angoisse, et une dépression nerveuse aussi,rechigne à assurer une représentation du roi Lear. il faudra toute la persuasion de son vieux complice l'habilleur pour le remettre en selle, et assurer bancalement une représentation mal partie, l'un des acteurs est en prison - crime d'homosexualité, on est en Angleterre en 42, rappelez vous- et est remplacé, justement par un des grands rivaux du maître.
mon avis: Attention à partir de là, je dévoile pas mal de choses, donc, vous êtes prévenus, n'allez pas plus loin si vous avez l'intention de la voir.
j’ai beaucoup aimé, en soi, cette mise en abyme du théâtre au théâtre, avec une scénographie qui montre l’envers du décors, les bruitages bricolés un peu comme on peut à cause du manque de personnel. Mais plus encore : la crise d’angoisse du maître prend des allures de crise métaphysique, comme je n’en avais pas vu depuis au moins «  le roi se meurt « de Ionesco. Et ce n’est pas peu dire. Ce qui aurait pu se contenter d’être un humour noir réjouissant en temps normal prend une dimension tout autre au vu des circonstances. On y voit un vieil homme, taraudé par la peur de la mort, talonné même par elle, et qui espère la tenir en respect, un soir, un soir encore, en repoussant l’échéance d’annoncer sa retraite. Or le rôle est justement tenu par un acteur au soir de sa vie, qui se sait probablement malade, qui a certainement conscience de n’en avoir plus pour longtemps à vivre, et qui donne tout ce qu’i lui reste dans ce rôle de non- composition. Du coup certaines répliques sonnent plus que justes, plus que prophétiques, d’une ironie amère, d’un cynisme qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer. C’est un mourant qui nous parle. Ce qui aurait pu être scabreux et de mauvais goût s’il n’avait pas été également metteur en scène de sa propre déchéance. Il n’a plus que la peau sur les os, et ne tente pas de le cacher, ce qu’il donne a voir, c’est la mort à l’œuvre, au quotidien ( un moyen probablement de l’apprivoiser). En tout cas, tout sonne juste, terriblement juste, puisqu’il ne joue pas le mourant angoissé, il l’est.
Terzieff a mis de manière magistrale un point final à sa carrière ( et je suppose que s’il n’était pas mort, il aurait probablement annoncé qu’il arrêtait, on imagine mal après ça une autre production, tant la pièce est elle même une conclusion définitive et sans appel). Le sujet et le texte étaient troublants en eux-même, les circonstances font que le résultat est assez perturbant, et fait beaucoup réfléchir. En tout cas, me fait beaucoup réfléchir. Dans la même veine que Le roi se meurt .
Je retrouve en fin de compte un peu la même situation que dans le film Soleil Vert, où Edward G Robinson alors malade du cancer trouvait son dernier et aussi probablement son plus grand rôle, face à lui-même et face à sa maladie. J’étais toute jeune lorsque je l’avais vu, et je ne savais rien de ça, mais en tout cas, son interprétation m’avait énormément marquée, au point d’être pour moi l’essentiel du film. Je comprends maintenant que dans les deux cas, quelque chose d’extraordinaire se produit, quelque chose qui marque : quelqu’un ose regarder la mort en face. C’est bouleversant, et je pense que je n’oublierai pas plus la pièce que le film.

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