Quand ce titre-là est arrivé à la bibliothèque dans mes mains pour être couvert, ma première réaction a été " trop bien, je voulais justement le lire".
C'est chose faite.
J'ai un peu évoqué l'auteur via le documentaire sur le far-west, et le second volet du podcast sur l'histoire américaine pour ce qui est du contexte, je vous y renvoie donc, là on va se concentrer juste sur le livre.
Donc, on l'a dit, Nat Love est un cow-boy, un cow-boy noir. Il a passé les 15 premières années de sa vie dans une plantation, d'abord né esclave, puis devenu libre à la fin de la guerre de Sécession. Puis une vingtaine d'années Cow-boy entre le Texas l'Oklahoma et le Kansas, et au moment où il rédige ses mémoires, ça fait une vingtaine d'années qu'il a raccroché lasso et chapeau pour travailler dans les trains Pullman. Le gars a donc eu trois vies bien distinctes, qu'ils nous raconte, la plus grande partie de l'ouvrage est cependant consacrée au far-west et à ses aventures.
Le petit Nat, né esclave peu avant la guerre de Sécession s'est retrouvé libre, mais vivant dans la misère après la guerre. En effet, les anciens esclaves libérés ont pour la plupart continué à travailler comme auparavant, contre le gîte et le couvert pour les mêmes maîtres, sans même parfois savoir qu'ils étaient libres à présent. Et libres de quoi faire, sinon continuer à vivre comme avant? Pour la famille de Nat, les conditions n'étaient pas trop tragiques, leur maître était correct mais il se souvient avoir vu dans son enfance les esclaves des autres maîtres être martyrisés. Par contre la suite a été compliquée parce que ceux qui avaient conscience d'être libre, n'avaient pas d'argent, et devaient maintenant louer un lopin de terre à leurs anciens propriétaires, ce qui coûtait évidemment très cher, avant de pouvoir espérer une récolte permettant de vivre décemment. Comme son père est mort alors qu'il avait une douzaine d'années, il s'est retrouvé très vite a devoir travailler avec sa mère, ramasser des mûres et des plantes sauvages pour aller les vendre à la ville, s'occuper des tvaux de la ferme avec son frère et sa soeur, puis recueillir les filles de sa soeur à la mort de leurs parents. C'est principalement pour cette raison que dès qu'il a eu 16 ans, pour en plus être un poids pour sa famille, il a décidé d'utiliser les compétences développées dans son enfance ( ingéniosité, débrouillardise, résistance physique, aptitudes au travail manuel et au dressage de chevaux, ténacité) pour aller gagner sa propre vie dans l'ouest, en tant que cow-boy.
On ne sait pas s'il a par la suite envoyé de l'argent à sa famille, dont il était visiblement très proche, mais ça paraît logique, même s'il n'en parle pas.
Car oui , Nat était une double rareté: un ancien esclave qui savait lire et écrire, doublé d'un cow-boy instruit. Dans les deux cas ce n'était pas courant.
En revanche, être un cow-boys noir était assez courant, et il ne mentionne son apparence que lorsque ça a une importance dans l'histoire, et s'il n'en parle pas la plupart du temps c'est que ça n'était pas une vision rarissime. Comme on l'a dit précédemment, un quart à peu près des cow-boys était des noirs ou des métis. On apprend donc que lorsqu'il postule chez un premier propriétaire de ranch, il y avait déjà plusieurs employés noirs, lorsqu'il participe à un concours de dressage de chevaux, ils étaient 6.
Le far-west était dans la réalité moins monochrome que les westerns pourtant en technicolor.
Et bien qu'il en rajoute ( l'émission radio le comparait à Tartarin de Tarascon, il y a du vrai là dedans, tant les événements sont narrés avec un humour picaresque) il n'empêche que ses souvenirs d'enfance agricole, des bêtises faites avec ses copains du village ( aller déclarer la guerre de sécession à tous les nids de guêpes du coin, ou la rejouer en se lançant des pierres, là c'est presque la guerre des boutons), de sa première gueule de bois avec sa soeur et son frère sont réjouissants. On a beau vivre dans la misère et en avoir conscience, on vit quand même en tentant de s'amuser.
Par la suite ce tempérament facétieux, qui ressort facilement après une soirée alcoolisée, continue a se manifester, et notre énergumène est le genre a s'imaginer pouvoir attraper au lasso un canon et le ramener au Texas, ou une locomotive lancée à pleine vitesse.
Spoiler alert: ça ne fonctionne pas. Et au mieux ça se solde par une explication qui fait marrer toute la ville, au pire par un bon KO dans le fossé. Car le gars a une bonne étoile, et s'en sort malgré ses idées contestables et la dangerosité du métier.
Car la vie d'un cow-boy est loin d'être aussi classe que nous l'ont vendue les westerns. Oui il y a les accrochages avec les indiens et les voleurs de chevaux, les rencontres avec certains bandits de grand-chemin plus ou moins connus, les rodéos et les soirées picole après un gros travail. Il n'empêche que pour l'essentiel, il s'agit de s'ennuyer tout l'hiver à la propriété, et de passer la belle saison à rassembler les troupeaux de chevaux ou de vaches qui vivaient en semi liberté sur d'immenses prairies et manifestaient une évidente mauvaise volonté à rejoindre des enclos. A marquer les veaux. A trier les bovins par marque, lorsqu'on en retrouve il est plus simple de les ramener au même endroit, puis de les trier avant de les escorter chez leur légitime propriétaire et récupérer en retour les vôtres, retrouvées par d'autres équipes. En bref un travail fastidieux et très souvent répétitif, où l'un des plus gros danger est en fait le climat et le risque de se perdre: se retrouver en plein milieu de rien, à 125 kilomètres de sa destination, sous un orage dantesque, qui a fait fuir le cheval, avec près de 20 kilos d'équipement à ramener, et en ayant épuisé ses vivres.. il faut être un expert de le survie en milieu hostile pour trouver le moyen de s'en sortir.
De ce point de vue aussi c'est passionnant: une plongée dans un métier qui nous a fait rêver par la manière dont les films le présentaient, la liberté, la vie au grand air, toussa toussa... et qui n'était finalement qu'une vie de gardiens de bestiaux doublé de comptables. Un simple employé à cheval.
Et pour sa troisième vie, car l'évolution rapide des technologies, l'urbanisation des espaces vides, le progrès, ont classé en mois de 30 ans le far-west et ses habitants au rang de légendes pittoresques ( ou de ringardises passéistes), Nat est resté dans la même logique. Le métier avait trop changé, il ne le reconnaissait plus, et bien qu'il ne le dise pas directement, à 35 ans, il était déjà un vétéran et mesurait sa chance d'être encore en vie.
Exit le cheval, vive le cheval vapeur. Après un premier ratage, il a fini par trouver son nouveau travail de porteur des wagons-lits a son goût de voyageur. Ce n'est pas un passéiste nostalgique et au contraire, il se régale de décrire en long en large la modernité et le confort des trains, le fait de pouvoir être à Chicago un jour et en Californie 4 jours plus tard. Et mine de rien avoir l'expérience de veiller sur un troupeau de vache est utile lorsqu'il faut satisfaire.. tout un cheptel de voyageurs 😄
en tout cas c'est une excellent lecture, souvent drôle. Nat est un peu le pote turbulent mais très sympathique à qui on pardonne ses extravagances parce qu'il nous fait rire. C'est un petit coup de coeur, qui se lit comme on regarde un (bon) film d'action et d'humour.
Etonnamment, j'ai pensé à la chanson " nouveau Western", en me demandant s'il y a 30 ans, MC Solaar savait déjà que finalement pas mal de gens lui ressemblaient lorsqu'il chantait " Hollywood nous berne dans la vie de tous les jours comme dans les nouveaux westerns" ( et oui, j'aime pas trop le Rap SAUF MC Solaar, pour ses textes très recherchés. Les paroles e la chanson sont d'ailleurs très recherchés. Et je suppose que s'il ne le savait pas à l'époque, il aura, depuis, lu cet ouvrage)
Sacré personnage! Merci de cette participation!
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