Pour cette lettre J, j'ai décidé, soyons fous, d'inaugurer un nouveau support: l'E-book. Je n'avais pas encore essayé, mais bon, pourquoi pas. Ubu est donc disponible, libre de droit (car plus ancien que les 100 ans fatidiques) ici, au format PDF.
Sur le format d'abord. Bien sûr il y a l'énorme avantage de ne pas prendre de place, et donc de ne pas venir s'empiler sur une pauvre étagère déjà surchargée. Et Bien sûr, il y a aussi l'énorme inconvénient de devoir avoir son ordi sous la main pour le lire - ne parlons pas des visionneurs d'E-Books, au prix par trop prohibitif encore pour l'instant. Le format PDF n'est pas trop pénible à lire si on ne passe pas des heures et des heures d'affilée dessus, la lecture reste aisée, moins fatigante que ce que je craignais. Donc, ça sera un oui pour moi, mais seulement pour les ouvrages que je ne tiens pas absolument à rajouter dans ma collection, que je n'ai aps le temps d'aller chercher à la médiathèque, qui sont tout le temps sortis ou indisponibles, et assez courts surtout.
Donc Ubu. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en fait. Le personnage est connu, on y fait souvent référence, on en vante l'absurde et la dérision mais je ne savais pas trop de quoi ça parlait au juste. Et finalement c'est une bonne surprise, notamment parce qu'il s'agit d'un détournement parodique de Macbeth, que j'ai également cette année au programme de l'ABC. Et, en ayant lu d'abord Macbeth, par chance, j'ai pu apprécier la parodie qu'en donne Jarry.
Evidemment, c'est un peu étonnent, les deux premiers actes laissent un peu perplexe, le Troisième démarre très fort, lorsqu'Ubu, despote idiot, pingre, sûr de lui, et prétentieux commence son " train de réformes" à son propre profit, secondé par sa mégère de femme. A ce moment là, la critique de la démagogie ( donner de l'argent par-ci par-là pour gagner la confiance du peuple), de la haute finance ( récupérer un maximum de sous par ailleurs en spoliant un maximum de gens) et de la législation ( promulguer finalement des lois pour se mettre à l'abri) est bien vu. Ca reste assez proche de ce qui se passe encore ici où là sur ce globe. Ubu devenu roi décide que puisqu'il a le trône, il n'est plus question de séparation des pouvoir: le juridique, le judiciaire, l'exécutif.. l'Etat, c'est lui. Ajoutons à tout ça qu'il a quand même une chance hors du commun qui lui permet systématiquement d'échapper aux situations périlleuses où le met régulièrement sa bêtise et son incroyable couardise. Ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs de fanfaronner même lorsqu'il s'est rendu ridicule( Ubu dans une grotte avec ses sbires, attaqués par un ours, se mettra hors de danger laissant les autres se dépêtrer avec la bête, et prétendra quand même avoir tour fait, car c'est grâce à lui bien sûr que l'animal à été tué. Hé oui, car il a prié Dieu avec ferveur, et ça a d'autant mieux réussi, qu'il est monté tout en haut d'un rocher pour que ses prières aillent plus vite!)
Poltron, goinfre, malhonnête, pingre, prétentieux, abruti, ne retenant rien de ses échecs.. le portrait du politicard sans cervelle de base. Autant dire que son coup d'état miteux ne durera que quelques jours, car il réussi par ses réformes fiscales à se rentre impopulaire en moins de 48h.
Une bonne surprise donc que cette courte pièce, une vision de la politique totalement désabusée et cynique, mais qui fait mouche. Après le style, très oral, est particulier, les créations lexicales foisonnent. "De par ma chandelle verte" et " cornegidouille" sont les jurons fétiches d'Ubu à ce propos. On accroche ou pas.
En tout cas, ça annonce déjà dès la fin du XIX° le théâtre de Ionesco. Replacée dans son époque, on devine que la pièce n'a pas été très bien accueillie. De nos jours, c'est bien évidemment moins étonnant, les surréalistes et le théâtre de l'absurde sont passés par là, mais la critique politique reste savoureuse. Par contre il faut préciser que la première représentation s'est faite en théâtre de marionnettes. Et d'ailleurs, ça semble convenir tout à fait, on a du mal à se l'imaginer jouée par ces acteurs en chair et en os. Le côté " pantin" cadre en fait tellement bien avec l'idée même du fantoche politique que je le vois difficilement autrement ( ou alors si: dessin animé, papier découpé, théâtre d'ombres, etc..) mais pas en représentation "réelle"
Une lecture dans le cadre du challenge ABC!
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