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samedi 17 mars 2018

Les deux Ivan (contes russes)

Toujours dans ma logique Hiver Russe, que je fais durer tant que possible et puisque c'est le mois des contes, je vous présente 2 héros très connus, qui partagent le même prénom.

Tout d'abord il y a le versant populaire: Ivan-dourak ( Ivan le sot, ou le crétin.), 3° fils d'un paysan, et bon à rien patenté, qui passe sa journée à glandouiller près du poêle.  Il  réussit parfois des choses quand il daigne se donner du mal, mais plus par chance ou par hasard que par réelle compétence.


En fait plus que crétin, il est surtout du genre.. dingue.  Il suit sa pensée biscornue qui le pousse à faire des choses qui n'ont pas de bon sens, mais avec une certaine logique très personnelle: on l'envoie au marché acheter une table, il revient sans la table: en comparant avec son cheval qui peut marcher seul, il en déduit que la table, puisqu'elle a 4 pattes, rentrera bien toute seule s'il la met sur le chemin. Ou jette de la nourriture à son ombre: si elle le suit partout, c'est qu'elle a faim, et donc s'il lui donne à manger, elle lui fichera la paix...

Malheureusement, les "prouesses"de ce personnage bizarre sont difficiles à trouver en ligne, et les traductions les font plutôt ressembler un catalogue d'anecdotes sans queue ni tête ou de proverbes décousus. Attention, je vous préviens, cet Ivan là a une nette tendance à martyriser les animaux ( en même temps, vu la manière dont ses frères passent leur temps à lui casser la gueule à chaque fois qu'il fait une ânerie, il peut difficilement être équilibré. Bonjour la famille dysfonctionnelle. Enfin,autres temps autres moeurs)

Cependant,j'ai réussi à trouver un conte complet, Sivka Bourka, où Ivan le sot, parce qu'il est le seul à respecter les rites funéraires demandés par feu son père, va gagner un cheval magique, offert par le fantôme du paternel au seul fils qui respecte sa promesse.
Et réussit donc, de péquenaud peu présentable et glandeur qu'il est, à se hisser au rang de beau-fils du tsar, et même à avoir une certaine tenue à partir du moment où on le traite correctement. Mais il va quand même buter 3 chevaux dans la manoeuvre et je n'arrive pas à comprendre la logique là-dedans ( manque dans la traduction? Implicite qui remonte à la nuit des temps et aux sacrifices d'animaux?)

Passons à l'autre Ivan qui a droit  beaucoup plus de ressources en ligne que son homonyme: Ivan -tsarevitch, soit Ivan-fils-de-tsar. De suite, ce n'est plus le même standing.

Ivan-tsarevitch est riche, noble, bien éduqué, mais n'a pas grand espoir d'être un jour tsar étant lui aussi le 3° de sa famille, si le destin ne lui donne pas un coup de pouce. Il n'est pas toujours très malin lui non plus,  et même parfois franchement bêta, mais au contraire du premier Ivan, il est travailleur et de bonne volonté, contrairement  à ses deux brutes de frères qui font tout pour en faire le moins possible en récoltant les lauriers. Et quand je dis tout, ça va jusqu'au meurtre. Ouil, le malheureux Ivan va finir découpé en morceaux dans plusieurs histoires. MAIS, comme il est gentil avec les animaux de la forêt ( LUI! ), il se  retrouve avec un bon paquet d'alliés non humains et qui le sortent de toutes les épineuses situations, y compris lorsque qu'un vilain sorcier le coupe en morceau, met les morceaux dans un tonneau et jette le tonneau à la mer.. C'est mignon les contes...

Oui, Ivan-tsarevitch pourrait être aussi surnommé Ivan-la-poisse, parce que ceux qu'il doit affronter ne sont ni plus ni moins  que sorcière  Baba-Yaga et le sorcier Kochtchei l'immortel.
Plus que réellement immortel il a scellé sa mort dans tout un tas de dispositifs de sécurité: au bout d'une aiguille, cachée dans un oeuf, l'oeuf dans une cane, la cane dans un lapin, le lapin dans un coffre, le coffre entouré de chaines et enterré sous un arbre, le tout dans une île isolée au milieu d'un lac au bout du bout du monde. Il faut casser l'aiguille pour le tuer. BOSS FINAL!
J'avais entendu cette histoire quand j'étais toute jeune, et elle m'avait marquée sans que je me souvienne exactement d'où ça venait.

Les contes le mettant en scène sont plus faciles à trouver , car elle reprennent le schéma héroïque classique et ont donc été plus adaptées au théâtre, en musique etc... ( va faire un ballet entier avec un benêt qui jette du pain à son ombre) ou comme motifs décoratifs de petites boîtes en papier laqué. J'en ai une chez moi représentant l'Oiseau de Feu, sujet fétiche de la ville de Palekh, je vous laisse admirer l'artisanat

Et donc on va trouver Ivan Tsarevitch dans 3 histoires très connues:


La grenouille tsarine: le père d'Ivan et ses frères décide de marier les 3 rejetons en laissant le hasard décider: chacun va tirer une flèche en l'air et épouser celle qui va la ramasser. Les deux ainés ont de la chance car ce sont des femmes riches et de la haute société qui les ramassent. Pour Ivan, c'est une grenouille qui ramasse la flèche. Mais le tsar n'en démord pas: le fait d'être une grenouille n'est pas disqualifiant.




Et va pousser le cynisme jusqu'à faire passer des épreuves de couture et de cuisine à ses belles-filles, histoire de ridiculiser Ivan et sa grenouille.
Petit détail qui change tout, et qui ne semble avoir étonné personne, la grenouille parle. C'est évidemment une magicienne, nommée Vassilissa l'astucieuse, qui a été transformée en grenouille par son père le sorcier Kochtchei, parce qu'elle est TROP maline. Et c'est grâce à la cervelle de Vassilissa et à l'aide des animaux qu'il a accepté d'épargner qu'Ivan va se sortir de cette situation étrange ( parce que tout seul, ahem.. il est plutôt du genre gaffeur!)

Maria Morevna ( Maria de la mer): Cette fois l'ami Ivan n'a pas 2 frères mais 3 soeurs qui se sont, elles mariées à des animaux: un faucon, un aigle et un corbeau respectivement ( des magiciens capable de se transformer en oiseaux, vous l'aurez deviné). Voulant leur rendre visite, il tombe sur une armée en déroute qui vient d'être écrasée par Maria Morevna, aussi fine stratège que guerrière redoutable.



Et en amour comme à la guerre, Maria attaque la première et sans sommation: Ivan lui plaît, elle l'épouse sur le champ, le colle à l'intendance du domaine et repart guerroyer.

Sauf que comme un autre personnage de conte, Maria cache un secret dans une pièce, et elle a bien recommandé à Ivan de ne pas y entrer. Vous devinez la suite ( non elle n'a pas planqué les cadavres de 12 précédents maris). Ivan entre, gaffe encore une fois, et libère le sorcier Kochtchei, encore lui, que Maria avait fait prisonnier. Evidemment, il va vouloir se venger, et là encore il va falloir l'aide d'animaux ( les beaux frères cette fois) et l'astuce de Maria, séquestrée à son tour par le sorcier, qui loin d'être une passive victime, soutire des informations capitales à Kochtchei afin de les donner à Ivan en douce.

le sorcier Kochtchei ferait son petit effet à Halloween

J'ai lu cette histoire pour la première fois, je devais avoir une douzaine d'années, et bien entendu elle m'a beaucoup marquée. Une héroïne à poigne qui a oublié d'être bête, même à cette époque, c'était suffisamment peu commun pour me plaire. Oui facilement mon favori, tout contes confondus, et pas seulement russes.

L'oiseau de feu: le plus connu des trois, ne serait-ce que par la musique de scène d'Igor Stravinsky pour le ballet du même titre.
Vous croyiez que j'allais vous laisser tranquille avec la musique? C'est mal me connaître! Déjà parce que j'adore l'intro ( tout dans les graves, et oui... basson... et je peux vous dire que j'ai vu la partition, et c'est tout sauf facile, et les bassons ont une très grosse partie solo, pas question de la louper.



Et pourtant il y a quelques différences entre l'argument du ballet ou de la suite orchestrale.
Déjà Kachtchei ( encore?! Ca fait deux fois qu'on te tue,l'immortel!) n'y apparait pas, contrairement à l'adaptation. Dans le conte, l'oiseau qui mange nuitamment les pommes du tsar est l'animal de compagnie d'un autre tsar. Mais il fallait concentrer l'action je suppose et lui donner un côté plus fantastique, tout en rendant la chose scéniquement réalisable en 1910.Ainsi il n'y a pas la série de voyages d'Ivan à dos de loup, exit Hélène-la-belle ( tant mieux, c'était surtout Hélène la potiche, mais le loup me manque)

Donc un oiseau " de feu" ( ne me demandez pas ce que c'est, je suis nulle en ornithologie) mange les pommes d'or du jardin du tsar Demian. Le tsarevitch Ivan réussit cependant a attraper l'oiseau par la queue, mais l'oiseau s'enfuit en lui laissant seulement une plume comme pièce à conviction. Voyant la jolie plume, le tsar décide d'envoyer ses fils attraper l'oiseau qui appartient à Afrone, tsar du pays voisin, quitte à le voler.




Face à un choix absurde: mourir, souffrir de la faim ou perdre son cheval, Ivan choisit logiquement la dernière solution, son cheval sera mangé par un loup,qui, en échange le guidera vers l'oiseau, et lui prodigue de bons conseils.. qu'Ivan, en bon gaffeur, ne suit pas: passe discrètement chez le tsar machin, attrape l'oiseau, mais n'emporte pas la cage-> ha mais sans cage je ne peux pas emporter l'oiseau et puis la cage est jolie->déclenchement d'un système d'alarme qui réveille tout le monde-> capture d'Ivan qui échange sa liberté et l'oiseau en cadeau contre la mission d'aller récupérer le cheval d'Afrone chez le tsar d'à côté-> surtout ne te fais pas prendre comme un bleu-> re-gaffe-> re-mission-> re-voyage->re-gaffe..
Sérieusement, c'est presque un gag à ce niveau, tellement il y a de quêtes imbriquées, j'attends "l'oiseau de feu, le jeu vidéo".

Jusqu'au moment où il doit enlever Hélène la potiche la belle pour le compte d'un autre tsar, mais envoie le loup à sa place pour éviter une gaffe, Hélène s'évanouit à la vue du loup, et hop, chargée comme un paquet sur le dos du loup chevauché par Ivan. Et comme elle a un syndrome de Stockholm foudroyant, se rendant compte que sur le loup, il y a un charmant ( et riche) monsieur, elle en tombe amoureuse aussi sec. Le fait qu'elle ait été enlevée de force... bah, non pourquoi, c'est important?

non seulement le loup arrive à porter 2 personnes sur son dos et à courir, mais en plus c'est vraiment le personnage plus intelligent de toute l'histoire.

Vous la sentez la déception? Oui, après Maria de l'histoire précédente, ça fait mal. Hélène, c'est l'équivalent local de la belle au bois dormant, 2 lignes de dialogue et encore moins d'utilité. Oui je préfère encore pas de personnage féminin dans l'histoire qu'une nana qui ne sert absolument à rien.
Je note par contre que si elle s'évanouit parce qu'elle voit un loup, sa réaction quand on décapite quelqu'un sous ses yeux et qu'on lui pointe une épée sur le ventre est de " crier et sangloter"  Revois tes priorités, et cooooooooours!
Ou au moins évanouis -toi de choc, cette fois ça serait logique..
Mais décidément le loup est génial.

Voilà, 4 contes qui ont en commun le nom du héros. A l'origine j'aurais voulu parler de Vassilissa Mikoulichna, personnage de "chevalière" issue d'une épopée, capable de battre les hommes à la fois par la ruse et par la force, à l'escrime autant qu'aux échecs, et qui se fait passer pour un homme et ce afin de libérer son ( crétin de) mari emprisonné... Et cette histoire qui inverse les références habituelles ne date pas d'hier ( les premières transcriptions datent du début du XIX° siècle, mais les histoires se transmettait oralement depuis des siècles, donc peuvent être beaucoup plus anciennes. En tout cas celle de Vassilissa est supposé se passer aux alentours de l'an mil et du règle de Vladimir I°, authentique roi de Kiev qui est à l'histoire de la Russie un peu ce que Charlemagne est à celle de France)
Mais impossible de trouver les sources complètes, et je n'ai pas le niveau pour aller lire de la poésie épique directement en Russe. Dommage.
A défaut, j'ai quand même pu caser Vassilissa l'astucieuse et Maria la guerrière.


3 commentaires:

  1. Merci pour cette découverte! :-)

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  2. oh ! merci pour ces découvertes ! J'adore.
    Et le plus étonnant c'est que j'y retrouve plusisuers ressemblances avec des contes italiens de mon enfance. Notament avec Kochtchei l'immortel, dans un contes italien il y a un géant qui cache son coeur plus où moins de la même façon et qui ne peut donc pas mourir. et le plus étonnant c'est que le héro de ce même conte donne son cheval à... un loup ! qui devient ça monture. Il y a aussi tout un tas d'animaux qui viennent l'aider. Et une belle à sauver loin d'être bête et passive. Une histoire qui devrait te plaire ;)

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    1. Ah, ce genre de ressemblances à des endroits parfois éloignés a été étudié( et l'ami Georges Dumézil aurait aimé voir ça, lui le pionnier de ce genre d'études comparatives)
      https://www.actualitte.com/article/patrimoine-education/une-etude-fait-remonter-l-origine-des-contes-de-fees-a-la-prehistoire/63109

      Pour ce qui est de l'Italie, ça ne m'étonne même pas, ne serait-ce que parce que l'empire Romain a été immense et a rassemblé des peuples très variés comme les fédérés Sarmates venus du côté de l'Oural pour tenir un camp romain.. dans l'Yonne pendant plusieurs années. Donc ces gens qui ont voyagé ont fait voyager leurs traditions avec eux, et finalement ça n'est pas très étonnant de trouver des choses qui se ressemblent beaucoup dans des lieux très éloignés.

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