Ceux qui me suivent depuis pas mal de temps savent la fascination absolue qu'exerce sur moi, encore aujourd'hui le programme Voyager. J'en ai déjà parlé à plusieurs reprises mais je trouve absolument fou le fait que des sondes prévues pour fonctionner 5 ans soient encore opérationnelles 40 ans plus tard.
Voyager 2 est partie de chez nous le 20 août 1977 et Voyager 1 le 5 septembre 1977 et se dirigent vaillamment vers l'espace interstellaire, emportant avec elle ce dont je n'avais pas vraiment parlé précédemment : le voyager golden record, des "bouteilles à la mer spatiales". Les sondes devraient arriver à proximité d'autres systèmes stellaires d'ici 40 000 ans. Là où avec un peu de chance, des habitants peuvent se trouver - va falloir
Ce n'est pas la première fois que des sondes emportent des messages terrestres à destination de potentiels extraterrestres, les deux sondes Pioneer 10 et 11 emportent avec elles des plaques gravées représentant le système solaire schématisés, la silhouette des sondes,la raie d'émission de l'hydrogène ( ne me demandez pas de décrire précisément je ne suis pas physicienne) qui sert de base pour décoder le reste, la position du soleil par rapport à 14 pulsars de la galaxie, un homme et une femme nus..
Les Voyager Golden Records reprennent le concept en allant plus loin. Il s'agit cette fois d'un disque, contenant des images et des sons de la Terre à destination toujours d'un potentiel extraterrestre qui pourrait le trouver et le lire.. s'il arrive à comprendre les instructions sur la boite!
On aura de la chance s'il est trouvé par une entité qui connait le binaire, ou même suspecte qu'il s'agit d'une production artificielle venue de très loin dans le temps, plus encore que dans l'espace.
Parce que, revenons à nos 40 000 ans, durée minimale.
Pensez à ce qu'était la terre il y a 40 000 ans.
Imaginez un homme ou une femme préhistoriques trouvant ce genre d'artefact. Soit ils estiment que c'est plutôt joli et le ramènent à qui dirige le clan à ce moment là, qui ne saura pas trop quoi en faire, et déclarera peut-être que c'est un message des dieux qui justifie clairement que ce soit lui ou elle ou - ha zut, on n'a pas de pronom neutre en français ça manque - le chef, soit, tout aussi probablement: " bah, ça ne se mange pas, aucun intérêt".
A l'autre extrémité: la société développée, qui comprendra de suite qu'il s'agit d'un message venu d'ailleurs, qui a envie de savoir, qui arrive à décrypter et cherche à savoir d'où ça vient.
Avec en main ce qui n'est ni plus ni moins qu'un instantané de la Terre 40 000 plus tôt. Il y a fort à parier que ça aura beaucoup, mais alors beaucoup changé d'ici là.
Yaura-t-il encore des humains à la surface? Pas sûr.
Et c'est là que ça devient vertigineux: les extraterrestres auront peut être en main la SEULE et unique production humaine restante pour attester que nous avons un jour existé.
Des extraterrestres qui pour l'heure sont peut être au mieux en train d'inventer l'équivalent local de l'agriculture.
Curieux de savoir ce que contient le disque?
Un court discours de présentation du secrétaire général des Nations Unies Kurt Waldheim, des salutations en une cinquantaine de langues ( là aussi, déjà va comprendre ce que c'est qu'un langage, et ensuite qu'il s'agit de langues différentes les unes des autres), des sons aussi variés que le tonnerre et la pluie, des grillons et des grenouilles, ou un marteau piqueur (et certains sons sont assez difficiles à reconnaître même pour un terrien!), de la musique de différents pays pour l'audio, et pour l'image, des photographies des tâches solaires, des planches d'anatomie, un embryon, des gens de tous pays et toutes générations, des îles des montagnes, des arbres , une femme qui ratisse des feuilles mortes etc...
D'autant plus déroutant que le support est, d'un point de vue technique humain, largement dépassé , les images représentent parfois des modes de vie parfois disparus ou en passe de l'être, et ce en 40 ans. Alors que dire de 40 000 ans.
Pour voir les images, elles sont ici
Pour écouter l'enregistrement il est là, en intégralité
La succession de tout ces enregistrements donne un effet assez étrange, presque expérimental (et ça aussi, c'est très daté années 70, nul doute que le choix serait différent maintenant)
Mais, et là une ironie que je trouve particulièrement savoureuse.. D'après vous qui sont les 3 musiciens retenus pour représenter la culture américaine? Blind Willie Jonhson ( bluesman ), Louis Armstrong ( jazzman) et feu Chuck Berry, mort en mars dernier ( pionnier du rock). Vous le voyez le point commun?
Ils ont connu la ségrégation et le mépris sur Terre pour leur apparence physique et représentent pour l'éternité le pays qui les a méprisés de leur vivant...qu'ils vont représenter comme "ambassadeurs" virtuels auprès d'hypothétiques auditeurs d'une autre planète.
Je laisse la place à Blind Willie Jonhson (un musicien que j'ai découvert découvert via le film " The soul of a man"de Wim Wenders, et qui a eu tellement de poisse dans sa vie qu'il est quasiment la quintessence du concept de blues) Son morceau "Dark was the night, cold was the ground..." est partie voyager dans l'espace sombre et glacé.
Et je vois que Bruce Benamran a eu le même ressenti métaphysique.
allez, parce que je ne m'en lasse pas, je l'ai déjà dit mais cette mission spatiale a eu un énorme impact sur moi, le survol de Neptune le 25 août 1989 et les photos dans les jours qui ont suivi, rendant mon livre d'initiation à l'astronomie obsolète du jour au lendemain, mont laissé une impression inoubliable.
Que n'a pas réussi à battre la Mission New Horizon et ses pourtant superbes clichés de Pluton.
Voyager 1 a aussi un cliché très marquant à nous proposer.. D'abord on ne voit rien, c'est pour celà qu'il a été fléché
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Voilà ce qu'en dit Carl Sagan ( l'un des scientifiques les plusconnus,sinon, le plus connu , à avoir pris part au programme Voyager)
« Consider again that dot. That's here. That's home. That's us. On it, everyone you love, everyone you know, everyone you ever heard of, every human being who ever was, lived out their lives. The aggregate of our joy and suffering, thousands of confident religions, ideologies, and economic doctrines, every hunter and forager, every hero and coward, every creator and destroyer of civilization, every king and peasant, every young couple in love, every mother and father, hopeful child, inventor and explorer, every teacher of morals, every corrupt politician, every superstar, every supreme leader, every saint and sinner in the history of our species, lived there... on a mote of dust suspended... in a sunbeam. The Earth is a very small stage in a vast, cosmic arena. Think of the rivers of blood spilled by all those generals and emperors so that in glory and triumph they could become the momentary masters of a fraction... of a dot. Think of the endless cruelties visited by the inhabitants of one corner of this pixel on the scarcely distinguishable inhabitants of some other corner. How frequent their misunderstandings, how eager they are to kill one another, how fervent their hatreds. Our posturings, our imagined self-importance, the delusion that we have some privileged position in the universe, are challenged by this point of pale light. Our planet... is a lonely speck in the great, envelopping cosmic dark. In our obscurity, in all this vastness, there is no hint that help will come from elsewhere to save us from ourselves. The Earth is the only world known so far to harbor life. There is nowhere else, at least in the near future, to which our species could migrate. Visit, yes. Settle, not yet. Like it or not, for the moment, the Earth is where we make our stand. It has been said that astronomy is a humbling and character-building experience. There is perhaps no better demonstration of the folly of human conceits than this distant image. To me, it underscores our responsibility to deal more kindly with one another and to preserve and cherish the pale blue dot, the only home we've ever known. »
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