Bienvenue amis curieux!

Pourquoi le Cabinet de curiosités?

Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
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mardi 27 mars 2012

Manuel de Saint-Germain des prés - Boris Vian

Trouvé par hasard d'occasion, alors que je ne l'espérais plus, j'en venais même à me demander si je n'avais pas rêvé ce titre... autant dire que j'ai sauté dessus.

Boris Vian nous invite à une balade dans le Saint Germain des prés de la grande époque, de bars à la mode en caves à jazz, à la rencontre des grandes figures du quartier, le tout avec de l'humour à revendre.

Même si je ne suis pas familière du coin, j'ai même trouvé le moyen de ne jamais y mettre les pieds chaque fois que je suis allée à la capitale, ça reste savoureux. Tant pour la description des rues, des habitants  comme le ferai un ethnologue ( scindés par exemple, entre autochtones - ceux qui vivent en surface, les vrais germanopratins- et Troglodytes - ceux qui vivent d'alcool et d'air vicié dans les caves) que pour celle des "monuments" ( en général, troquets, bistrots, salles de théâtres et maisons d'éditions), son vrai-faux guide touristique est une pépite.
 Lorsqu'il commence à citer les  célébrités du lieu, ça donne le tournis. Au milieu de bon nombres de gens tombés dans l'oubli barmen, patrons de café et jolies filles en goguette, il est question d'une foule d'écrivains, de cinéastes, de musiciens, qui sont encore des références ( à commencer par Queneau, Sartre, Camus, les frères Jacques - et non, je n'ai pas honte de citer les frères jacques dans la même phrase que Camus!). En fait, le plus déroutant, c'est d'imaginer tous ces gens, tranquillement en train de déguster leur petit noir au comptoir , au vu et au su de tout le monde.. plus possible de nos jours, ça grouillerait de curieux et de fans envahissants.

Un autre effet curieux, pour moi en tout cas, c'est que l'écriture de Vian les rends vivants: Merleau-Ponty n'est plus l'austère philosophe qui m'a valu un 6 en philo, que je n'ai jamais compris et ne comprendrais probablement jamais, mais aussi un type aimant danser à l'occasion (mais je suis d'accord avec Boris Vian, il m'a aussi donné des maux de crâne intenses!). De même, en pensant à Sartre, ce n'est pas forcément " chic type" qui me vient à l'esprit, tant le philosophe a effacé l'image du prof qui venait travailler au café pendant la guerre, parce que l'endroit était tranquille - comprendre, peu de patrouilles allemandes- et chauffé.
L'impression d'assister là, sur le vif, à des scènes qui on eu lieu au bas mot, l'année de naissance de ma mère, mettant en action des gens aux alentours de 25/ 30 ans à la fin de la guerre, donc pile de la génération de mes grands parents. C'est assez fou, de se dire qu'ils auraient pu connaître s'il n'avaient pas quitté Paris pendant la guerre. Tant le lieu et l'époque sont devenus mythique, c'est presque difficile à croire que des gens, certains toujours vivants (Juliette Gréco a 85 ans et se produit toujours..) aient connu.

Pour moi qui aime le jazz, sans plaisanter, j'aurais vraiment adoré, rien qu'une fois, voir ce genre de concerts ( purée! Duke Ellington, Charlie Parker, Count Basie, quoi!). Bon, la prochaine fois que j'irais à Paris, je tannerai un de mes potes pour y faire un tour, a défaut de me procurer une machine à voyager dans le temps.

Bon, je craignais un peu, après la lecture mi-figue mi-raisin des Fourmis, mais non, je suis toujours en phase avec la verve de Vian.
A noter que le coffret est fourni avec un fascicule de dessins qui auraient du orner l'édition originale, et un CD, que je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter.
Petit bac spécial Vian: catégorie prénom: Manuel ET Germain, doublette!

vendredi 23 mars 2012

Du sang sur Rome - Steven Saylor

Et voilà, un passage à proximité d'un Gibert joseph, et ma pile déjà bien fournie a encore grandi.
Je connaissais déjà cette série de Steven Saylor, dans la collection "grands détectives" de chez 10/18, une copine m'en avait prêté quelques volumes il y a des années, mais étrangement, pas le premier tome. Le voici donc.

L'action se passe en -80 à Rome. Un jeune avocat qui doit plaider sa première affaire charge un enquêteur de recueillir des informations pour l'aider à défendre son client, accusé de parricide, l'un des pires crimes dans la Rome antique. Un trame somme toute très classique, puisqu'on va suivre à la fois l'enquêteur, Gordien, dans sa recherche de terrain, et l'avocat, dans la préparation de sa plaidoirie. Au fait, l'avocat en question se nomme Marcus Tullius Cicéron, dès fois que son nom vous parle.

Et comme souvent dans cette collection, ce n'est en effet pas tellement l'intrigue policière qui compte que le cadre ou elle se déroule et les personnages plus ou moins célèbres qui interviennent. J'ai eu l'occasion de tester trois séries policières romaines de la collection: celle de Saylor, celle de John Maddox Roberts et celle de Danila Comastri Montanari.

Je dirais que sur les trois, c'est à celle de Saylor que j'accroche le moins. En tout cas, ce volume se laisse lire, mais m'a paru quand même un peu long (la copine m'avait prévenue en me disant que les premiers tomes n'étaient pas les meilleurs, que la série trouve son rythme par la suite, et je confirme). En fait le problème, c'est que si Saylor s'inspire d'événements et de personnages réels (Cicéron et sa plaidoirie "pro Sexto roscio amerino", Sylla et les proscriptions, Chrysogonus, le procureur Erucius, etc...), il part quand même un peu dans tous les sens par moments. Certes c'est original de partir du texte d'une plaidoirie, forcément partiel et partial, puisqu'il s'agit de démontrer l'innocence du client. Mais il brode.. Il brode même beaucoup. Et le résultat donne un policier très américain au final, de ceux auxquels j'ai du mal à accrocher parce qu'ils en font des tonnes : le parricide ne suffisait pas, on ajoute donc des complots à la pelle, de l'inceste, de la débauche, un petit frère empoisonné, une gentille prostituée au coeur pur, un mignon petit enfant abandonné désireux de se venger, des trognes patibulaires et les inévitables retournements de situations énormes dans les derniers chapitres. C'est exactement ce côté "too much" que je reproche en général aux policiers des USA. Il aurait gagné a rester un peu dans le flou, puisque la seule chose que l'on sache c'est que le client a été acquitté, mais rien sur son innocence ou sa culpabilité réelle, et donc pas de certitude la dessus. Je ne suis pas fan du tout de la solution retenue par Saylor, trop tirée par les cheveux et qui fait intervenir trop de hasards , de coups de chance, et de retournements de situation.
Après un autre problème me gêne, c'est la transposition telle quelle des moeurs actuelles plaquée sur le monde romain, et donc fantasmée via les péplums ( Gordien qui vit à la colle avec son esclave, ça aussi, ça fait un peu trop XXI° siècle, la fille de bonne famille qui couche avec un esclave aussi, tout le monde couche avec tout le monde manque de chance, j'avais lu auparavant cet article auparavant, hé oui!)
Car Cicéron et Sylla ont un rôle important
Heureusement, je sais que la série s'améliore par la suite, sinon, je me serai probablement contentée de ce seul volume, sympathique mais peu convaincant. Mais bon, ça se laisse lire sans déplaisir, et c'est une manière agréable de se rafraîchir la mémoire sur Sylla et ses proscriptions, sa rivalité avec Marius,  sa carrière politique, personnage politique un peu éclipsé par César et pourtant fort intéressant, ainsi que sur Cicéron ( je l'ai toujours eu en sympathie, lui, après avoir lu " de amicitia" à la fac)

dimanche 4 mars 2012

Muss suivi de Le grand Imbécile - Curzio Malaparte



Nouvelle session Masse Critique Babelio. J'ai donc reçu  " Muss" de Curzio Malaparte. Je ne connaissais l'auteur de de (plus ou moins sulfureuse ) réputation, je n'ai que peu d'italiens dans mes lectures, et en plus, un essai sur Mussolini tombait parfaitement dans le cadre des défis "Rome" et "Histoire".
Editions de la table ronde

Donc le petit ouvrage de Malaparte comprend deux essais, tous deux centrés sur Mussolini. Un personnage historique sur lequel, finalement, j'ai appris peu de choses durant ma scolarité, hormis quelques grandes dates. contrairement à Hitler.
Dans Muss, tout d'abord, Malaparte entreprend de tracer le portrait du dictateur. Non pas un portrait politique, mais dans un cadre plus large, le portrait de l'Italie mussolinienne et de l'époque qui a permis l'émergence de la dictature. Et il faut reconnaître que l'auteur n'y va pas de main morte avec ses compatriotes. Car pour lui, Mussolini est avant tout un italien, avec les défauts qu'ils considère inhérents aux italiens en général. Et en particulier le mysticisme catholique, qui était pour lui la condition majeure pour l'établissement du culte de la personnalité.
Car dans le fond, le Mussolini qu'il nous montre est un homme ambigu: un orgueilleux narcissique , mais timide et influençable. Un type qui se veut à la fois homme du peuple et César. Un pauvre type, sans envergure. Un petit chef qui s'est retrouvé presque par hasard propulsé à la tête de l'état, et qui, comme tout petit chef parvenu, a vite pris le chemin de l'abus de pouvoir.
La position de Malaparte aussi est ambigüe. Ayant rencontré Mussolini à plusieurs reprises, il oscille entre compassion pour l'homme tout court derrière l'homme politique, et haine franche pour le dictateur qui l'a fait emprisonner.
Le problème de ce texte, inachevé, est qu'il a été rédigé sur une vingtaine d'années, avant et après l'exil de l'auteur, remanié. D'où cette hétérogénéité, pas franchement gênante, mais qui donne l'impression de se contredire par moments.
Muss est complété par un court texte issu de " il y a quelque chose de pourri", où Malaparte parle de sa mère, fervente admiratrice de Mussolini. C'est elle d'ailleurs qui le surnommait Muss. Il y est également question de la mort de Mussolini. Ou plutôt de ce qui a suivi: le dictateur mort, trainé dans les rues,le cadavre livré a la vindicte populaire, conspué par ceux qui le soutenait encore quelques jours plus tôt, puis à la morgue. Ce passage est incroyable, le ressentiment de Malaparte envers le comportement indigne et ridicule de ses compatriotes est presque palpable. Pas tant la question du manque de respect au mort que celle de l'hypocrisie des italiens, de leur facilité à se rebeller contre un mort après s'être comporté avec complaisance envers la dictature pendant des années ( il y a quand même sur ce point là pas mal de mauvaise foi de la part de l'auteur, et justement , d'après lui quelques pages plus tôt, la mauvaise foi est un des principaux défauts collectifs des italiens). Toujours est-il que cet extrait prend une dimension extrêmement contemporaine, car l'histoire est un éternel recommencement. En lisant les description de la mort et de l'autopsie de Mussolini ( et malgré sa photo sur le bandeau), ce n'est pas sa tête à lui que j'ai vue, mais celle de Khadafi. Quelque 65 ans plus tard, mes circonstance, même réactions du peuple. Presque au détail près. Ca rend par contre coup le récit de Malaparte encore plus visuel.

Quand au "grand imbécile ", c'est encore Mussolini, qui perd son appellation affective de Muss pour n'être plus que le Grand Imbécile.  Cette fois, Malaparte aborde le problème sous un angle plus bouffon, imagine le Grand Imbécile ridiculisé par une chatte. Partant d'une tradition ( qui a tout l'air d'une légende) qui veut que lors d'un siège, les assiégés envoient une chatte se promener sur les remparts de la ville. A charge aux assiégeants de convaincre le félin du bien fondé de l'attaque. La chatte de Malaparte devient en quelque sorte l'allégorie de la résistance, qui doit se faire non par la violence en tuant le tyran, mais par la rigolade, en le ridiculisant. En effet, on retrouve en germe l'idée de "quelque chose de pourri": Tuer un tyran au moment ou il est affaibli n'a rien de glorieux, tout au contraire, c'est ridicule et facile, c'est s'abaisser au même niveau que celui dont on veut se débarrasser.  Seules la dérision et l'humiliation publiques sont une vraie victoire. Les passages où le Grand Imbécile, pérorant sur en costume militaire, tente de faire entendre au greffier des concepts comme " gloire", "grandeur', "patrie", "aigles de Rome", et se voit opposer des "Miaouuuu" pour toute réponse, sont savoureux.

Autant Muss a été écrit sur plusieurs années, autant Le Grand imbécile est concis et homogène, écrit en 1943, au moment de la destitution du tyran. C'est assez intéressant d'avoir d'une part le témoignage d'un témoin direct des événements, et d'autre part, de voir son opinion évoluer au fil du temps: de la sympathie et de la compassion ( relatives) dans Muss, du mépris ouvert dans le Grand imbécile, du désenchantement total dans "quelque chose de pourri". Les trois textes se complètent et s'explicitent l'un l'autre, c'est une très bonne initiative de les avoir rassemblé. Tout ça se lit facilement, je craignais qu'une biographie d'homme politique soit un peu plus rébarbative, mais l'écriture de Malaparte est très vivante. Un document fort intéressant.

Merci à Babelio et aux éditions de  La table Ronde.