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vendredi 14 janvier 2011

Terribles Tsarines - Henri Troyat

 Vous laisserez vous tenter par un petit cours d'histoire allégé? C'est ce que nous propose Henri Troyat alias Lev Tarrassov, qui s'est justement fait une spécialité des biographies en particulier de personnages importants de son pays d'origine. Je ne suis pas très versée dans la biographie en général, mais bon comme celle ci porte sur plusieurs personnes, ça passe beaucoup mieux. Même si, attention, il faut s'accrocher! Et Troyat a quand même eu la très bonne idée de fournir à la fin de son bouquin un petit arbre généalogique de la famille Tuyaudepoele Romanov. en voilà un pour vous aider à suivre... Or donc, qui sont les tsarines terribles?

Pierre le Grand, le réformateur
En gros le livre nous narre ce qui s'est passé politiquement parlant entre la fin du règne de Pierre le grand (1725), et l'accession au trône de Catherine II (1762), donc les deux plus importants dirigeants de l'époque. Et franchement ça vaut largement les embrouilles de famille de nos monarques à nous, après la mort de Philippe le bel.

Donc, Pierre le Grand vient de mourir d'une pneumonie contractée en plongeant en plein hiver dans l'eau glacée pour sauver un marin qui se noyait (ce qui pourrait le faire passer pour un empereur sympathique). Comme il n'avait que des filles , ayant lui même fait supprimer son seul fils quelques années avant ( pas si sympa que ça finalement!), et un petit fils de 10 ans, le problème se pose de savoir qui allait reprendre les rênes du pays, dans la mesure ou Pierre lui même avait légiféré contre la monarchie héréditaire, décidant que le tsar régnant devrait désigner lui-même son successeur. Or il est mort avant d'avoir eu le temps de le faire. C'est donc, après maintes tractations et règlements de compte, sa seconde femme, Catherine, qui est couronnée tsarine. C'est la première fois qu'une femme accède ainsi directement au trône, mais il n'y a pas d'empêchement légal, pas de loi salique...

Or Catherine I° , ancienne cantinère qui a eu la chance de plaire au tsar jusqu'à se faire épouser,se révèle être une fêtarde, avec un penchant très marqué pour la dive bouteille, capable par moment de bon sens, mais finalement plutôt faignante,  et qui, plutôt que de décider elle même, crée un haut conseil secret à qui elle délègue les principaux problèmes de l'état. Ce qui arrange beaucoup son principal conseiller Menchikov, lequel devient vite le personnage le plus influent - et riche- de Russie. Une gloire qui ne dure que deux ans, les excès de table et d'alcool de la Tsarine la conduisant au cimetière en moins de deux ans de règne.

Et le même problème recommence.  On choisit donc cette fois le petit fils de Pierre I°, le descendant du fils que Pierre premier avait fait exécuter. Il succède donc à Catherine sa belle mère, déjà caractériel, coureur de jupons autant que de pantalons, ivrogne à 12 ans.. bref, un magnifique tsar, là encore manipulable à souhait pour peu qu'on lui mette sous le nez une jolie fille ou un joli garçon en échange de faveur. Menchikov tombé en disgrâce et exilé, c'est la famille Dolgorouki qui devient la plus influente, casant d'abord le fils, puis la fille auprès de Pierre II... qui meurt juste avant de se marier, lui aussi d'une pneumonie... à 15 ans!Pas d'héritier désigné, qu'à celà ne tienne, les Dolgorouki produisent un faux testament désignant la fiancée de feu Pierre II. Stratagème vite éventé, disgrâce aussi bien évidemment. Catherine I ° avait stipulé qu'en cas de mort de Celui ci, c'est une de ses fille qui hériterait alors.

Re belote! il faut à nouveau trouver quelqu'un pour régner, en apparence seulement, puisque tout s'est fait en sous main par les conseillers depuis la mort de Pierre I°. Les filles de Pierre le Grand sont évincée, trop peu influençables pour le conseil secret. On choisit une nièce qui n'avait pas fait parler d'elle jusque là, qui vivant loin en Allemagne, en réduisant au maximum son pouvoir de décision, et en se disant que tout va continuer ainsi: le pouvoir aux vieilles familles aristocrates, et une tsarine manipulable à volonté.. perdu!
Anna Leopoldovna
Anna Ivanovna
Anna Ivanovna est beaucoup plus maligne qu'on en l'avait crut, c'est elle qui va mener la danse. Elle est veuve, interdiction lui est faite de se remarier. Qu'à celà ne tienne, elle fait venir son amant allemand Bühren qu'elle comble d'honneurs et de pouvoirs, adopte sa nièce Anna Leopoldovna, clairement comme ventre de substitution, lui colle un mari allemand également, et désigne d'emblée le premier fils qui naîtra comme successeur. Anna Ivanovna n'est pas alcoolique, mais plutôt du genre parvenue et orgueilleuse, et durant ses dix ans de règne, parvient à se faire détester de toutes les catégories de la population, qui supporte mal de voir les honneurs et postes clefs accordés à des ressortissants allemands. Lorsqu'Anna Ivanovna meurt, apparemment d'une insuffisance rénale, en dépit d'intrigues de Bühren qui se voit déjà tsar, c'est Ivan VI son petit neveu désigné qui devient Tsar à 9 mois, sous la régence de sa mère la très fade Anna Léopoldovna. Son mini règne ne dure qu'un an,  puisque la sympathie du peuple se dirige vers celle qui avait été injustement spoliée du trône, la dernière fille survivante de Pierre I°, Elisabeth Petrovna, soutenue par les militaire Russes qui n'en peuvent plus d'être dirigés par de officiers allemands, qui prend le pouvoir au terme d'un coup d'état exemplaire, sans effusion de sang inutile, la grande classe! Exit le Tsar  au biberon, place à Elisabeth I°.
Elisabeth Petrovna

Bon soyez rassurés -ou pas- amis lecteurs, nous voila parvenus à LA MOITIE du livre de  Troyat. C'est surtout que la succession de Pierre le Grand s'est avérée tellement épineuse, entre les héritiers morts jeunes et les coups d'états, qu'il était difficile de résumer plus que ça. En tout cas, plus que la personnalité des protagonistes précédents, ce sont les manigances des conseillers qui sont savoureuses, et heureusement, Troyat nous raconte ça de manière suffisamment intéressante pour qu'on ne décroche pas trop des arcanes secrets de la politique, - et là aussi, heureusement qu'il prévoit un récapitulatif des noms, parce qu'entre ceux tombés en disgrâce, puis revenus en grâce au règne suivant, puis qui se font oublier.. il y aurait largement de quoi en perdre son latin! Certes ce n'est pas superbement bien écrit, ça reste une biographie très extérieure qui raconte qu'il s'est passé ci et ça, je préfère les choses plus romancée, ça manque un peu de dialogues à mon goût là.

Bon, courage la suite sera plus courte, car Elisabeth Petrovna réussit la prouesse de rester sur le trône pendant 21 ans, ça se calme un peu niveau putschs. Le principal problème d'Elisabeth I° est d'être un peu trop enthousiaste et beaucoup trop colérique. Ce qui lui vaut d'enchaîner prodigalités insensées pour les partisans qui l'ont établie sur le trône mais aussi colères tonitruantes, punitions souvent exagérées sur un simple soupçon. Mais malgré tout, comme elle a juré devant dieu d'abolir la peine de mort si elle reprenait le trône, elle est donc surnommée "la clémente".. une clémence toute relative puisque si les gens qui lui déplaisent ne sont plus exécuté, elle ne s'interdit pas la torture, le bannissement en Sibérie et les "fausses mises à mort avec grâce au dernier moment", un caractère facétieux hérité de son père.
La encore, il y a bien quelques tensions, mais comme elle a une politique plutôt pro-française que pro-allemande comme ses prédécesseurs, les choses se passent beaucoup mieux avec le peuple. D'autant plus, qu'elle s'appuie sur son mari non officiel, d'origine paysanne, mais sans ambition politique, ce qui lui vaut la sympathie des gens du commun. Sous son règne, c'est vraiment le début de l'essor de la Russie en tant qu'entité culturelle indépendante. Pierre le grand avait voulu une ouverture sur l'occident, les tsarines précédentes avaient germanisé les institutions à outrance, Elisabeth, tente, elle, de russifier les inspirations étrangères. C'est une époque de construction, d'essor des arts, des sciences...avec la collaboration de Lomonossov, philosophe, chimiste, écrivain lui aussi issu du peuple. et bien sur, se pose encore au bout d'un moment la question de la transmission de la couronne: elle désigne sans jamais l'avoir vu son neveu Pierre (III° du nom donc). Mauvaise pioche: fils de Holstenois, il ne jure que par la Prusse, veut tout germaniser et est passablement dégénéré. Elisabeth lui colle dans les pattes une vague cousine, Sophie d'Anhalt, dont Pierre se fiche éperdument, mais de laquelle la tsarine s'est entichée, l'une comme l'autre ont des sympathies pro-française quand Pierre ne jure que par l'Allemagne. Mais la relation un moment idyllique des deux femmes tourne vite au vinaigre en temps de tensions politique, car Elisabeth voit des complots partout. ceci dit le choix de Sophie, rebaptisée Catherine en prenant la religion orthodoxe était quand même le bon: à la mort de sa tante, le fade Pierre règne quelques mois, vite détrôné par sa femme, qui le fait emprisonner .. et se retrouve veuve dans de mystérieuses circonstances une semaine après. C'est donc au tour de Catherine II de prendre les commandes du pays...


Sur la première partie du livre, en gros jusqu'à l'accession au trône d'Elisabeth, pas grand chose à redire, on nous parle de personnages peu connus ou dont l'influence est assez peu notable, l'auteur a au moins le mérite de faire connaître une période de l'histoire russe assez obscure. Pour la suite, ça se gâte un peu quand même: je regrette qu'il soit assez peu précis sur les événements politique: jeux d'alliances compliqués entre la Russie, et soit la France, soit l'Autriche, soit l'Angleterre.. contre la suède, ou contre la Prusse, .. on sait qu'il y a une période de guerre, mais tout est vu par le petit bout de la lorgnette, et au final, c'est très fouillis sur ce point là. Une petite chronologie ou une frise des événements/alliances/ coups d'états aurait bien aidé à y voir plus clair! mais voilà, on est plus proche de Gala que du Dessous des Cartes, et du coup, difficile de se passionner vraiment pour ces intrigues de couloirs, trop peu scénarisées pour donner un roman ou a défaut une biographie romancée, trop peu précises pour être vraiment informatives. Ce qui en gênait pas trop pour les personnages hauts en couleurs devient un défaut pour le règne quand même important d'Elisabeth.

Une autre chose qui me gêne: le parti pris évident de l'auteur pour la future Catherine II, quasi-parfaite, tandis que son mari est systématiquement ridiculisé, voire comparé à un singe. Les deux derniers chapitres font un peut " la gentille Catherine contre la vilaine Elisabeth jalouse de sa jeunesse" ou " la gentille Catherine prise à tort pour une conspiratrice".. etc... Quand on sait quelle impératrice à poigne elle va devenir, c'est un poil ridicule de nous en faire une Cosette systématiquement victime de tout et tout le monde.

Une lecture pas mal pour une initiation, je dirais, mais pour en savoir plus que les intrigues d'alcove, il va falloir aller chercher ailleurs.

Cimetière Montparnasse septembre 2009

 
En plus en plus.. Henri Troyat...et voila mon premier auteur pour le défi " nécro" des auteurs morts.. catégorie enterré à Paris.. et je le prouve:









Et last but not the least, il entre aussi dans le cadre du challenge Histoire de Jely dragon . 3 défis en un , je m'aime quand j'arrive à faire des trucs pareils!

2 commentaires:

  1. Je me disais en ouvrant ton billet que j'avais lu ce livre. C'est bien la cas mais il m'en reste franchement peu de souvenirs.

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  2. Super ce livre! C'est bien le style simple et clair de Troyat! Il ne cherche pas à nous embrouiller dans cette période mouvementée de l'Histoire de la Russie.

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