Bienvenue amis curieux!

Pourquoi le Cabinet de curiosités?

Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
Bonne lecture

Qui passe par ici?

Flag Counter

samedi 11 août 2018

Sambre - Yslaire (et Balac)

J'avais déjà évoqué cette Bd, lorsque j'ai chroniqué " le ciel au dessus de Bruxelles" du même Yslaire, en disant qu'elle n'était pas du même niveau que Sambre justement.

Mais au moment de faire mes cartons avant de partir pour la Belgique et de laisser derrière moi mes chères BD pour un an au moins, j'ai cédé à la pulsion de la relire.

Voilà le crédo de Hislaire ( Yslaire, Sylaire), prénommé Bernard - comme son jeune héros.

« Je veux une histoire d’amour. C’est mon obsession, une histoire d’amour qui finit mal… J’ai envie de plonger dans une tragédie qui serait placée dans un cadre historique pour me ramener à cette littérature du XIXe qu’enfant, j’avais découvert dans la bibliothèque de mon père… Mais du Bossu ou des Trois mousquetaires, je n’ai retenu que l’histoire d’amour. La séquence finale de Robin des Bois, celle du bain de sang de Marianne, je l’ai relue dix fois et j’ai pleuré à chaque fois. Les livres m’ont fait beaucoup plus pleurer que les films ou les pièces de théâtre. Je voulais faire une bande dessinée qui provoque le même effet. »

On est prévenu, ce monsieur ne fait pas dans la demie mesure, ni dans la tiédeur.. il va y avoir dans cette histoire du sang de la violence et une bonne dose d'érotisme souvent macabre.




Tout commence.. au cimetière. Bernard et Sarah Sambre, tous deux roux aux yeux sombres comme leurs parents, enterrent leur père. On voit très vite que tout est assez malsain dans cette famille bourgeoise. Le frère et la soeur semblent toujours à couteaux tirés, s'adorent autant qu'ils se détestent. Raison de leur discorde? Leur père, connu de toute la région pour avoir sombré dans la folie longtemps avant son suicide. Bernard le craignait, Sarah l'adulait, et rend leur infidèle mère responsable de ce suicide. Elle se fixe désormais pour unique but de terminer "la guerre des yeux", l'ouvrage sur lequel travaillait Hugo Sambre avant de mourir, dans lequel transparait toute la folie de celui ci: seuls avaient droit d'entrer chez lui les personnes aux yeux sombres, les autres étaient persona non grata. La "guerre des yeux" était son credo, sa grande oeuvre, destinée à n'être lue de personne cependant, dans lequel il professait que la couleur des yeux est liée à l'origine et à l'avenir des humains, la supériorité des uns sur les autres aussi. Le pire étant les gens aux yeux rouges, ennemis des yeux sombres depuis l'aube des temps.






Il haïssait la bien nommée "Iris", autant qu'elle le fascinait, Iris la prostituée parisienne aux yeux... rouge sang, qu'il considérait comme une menace pour sa famille, sa némésis personnelle. Iris est morte depuis longtemps, mais elle a une fille, Julie, elle aussi brune aux yeux rouges.

Julie la voleuse, Julie la Braconnière qui épie Bernard en secret depuis toujours, depuis que sa mère lui a raconté que leurs destins sont liés.
Julie est passablement dingue elle aussi, dans son genre, et profite donc de cette occasion pour "vamper" ( le mot n'est pas exagéré) Bernard dans le cimetière. Lequel se laisse faire, il est jeune, naïf, idéaliste et sentimental, Julie est une jolie fille, et d'autant plus attirante que son père aurait totalement désapprouvé cette relation. Qui va mettre à feu et à sang ce qui reste de la famille Sambre.
Du village étouffant aux bas fonds de la rue des Innocents, de l'antre de Monsieur Saintange, trafiquant, recéleur et maquereau d'enfants, aux orgies mondaines de "Madame Liberté", du studio délabré d'un peintre à moitié fou aux barricades de 1848, c'est une histoire .. en rouge et en noir, servie par une palette de teintes sombres, sépia, gris orage.. en aquarelle somptueuse.

Yslaire seul aux commandes dès le milieu du second tome ( le scénariste Balac ayant quitté le projet à ce moment là) ne cache absolument pas ses influences littéraires:
le père Sambre se prénommait Hugo,les révolutionnaires des barricades semblent sortis des Misérables, Iris en robe rouge de bohémienne s'est jetée des tours de Notre Dame, Rodolphe semble une version adulte de Gavroche, mais aussi Poe - il sera question d'un cadavre emmuré comme dans le Chat Noir, d'autres touches évoquent le coeur révélateur, et encore Shakespeare : Sarah devenue folle et quasiment aveugle imagine du sang partout et passe son temps à se frotter les mains  et picturale ( la liberté guidant le peuple est un motif central)


Une oeuvre très littéraire, mais pas verbeuse, car elle ménage de longues planches muettes... allez, mini-reproche: on voit quand même venir la révélation sur les liens d'Iris et Hugo d'assez loin.

Yslaire a beau mettre en avant son histoire d'amour tragique, je n'aurais pas accroché s'il n'y avait pas eu toutes ces références et ce côté épique sur fond de révolution. Je ne suis pas du tout fan d'histoire d'amour lorsqu'il n'y a que ça, mais lorsqu'elle fait partie d'un tout, ça passe très bien. Et là, il y a justement le cadre ambitieux et les événements qui manquaient à d'autres titres de l'auteur.

Romantique? Oui absolument, au vrai sens du terme, avec sa majuscule.
Le terme est souvent galvaudé pour des choses nunuches, là on est en plein dans sa vraie acception, qui sous-entend une bonne dose de drame et de noirceur, la seule qui m'intéresse.


D'ailleurs, Sambre est plus qu'une BD, c'est son grand oeuvre, puisque outre ces 4 tomes d'origines parus entre 1986 et 1996 ( sous-titrés " deuxième génération" ) des suites sont en cours:  "troisième génération" a commencé à paraître depuis 2003 ( 5 tomes prévus, mais non terminé), "Dernière génération" est prévu ( 4 tomes).
Mais puisqu'on commençait à la deuxième génération, où est la première?
Elle a également paru sous le titre "  la guerre des Sambre", avec chaque fois 3 tomes évoquant la génération précédente ( Hugo et Iris, leurs parents, leurs grands parents...)
On remonte comme ça au fil des siècles. Je ne sais pas ce que valent les suites et les préquelles, mais je tenterai , vu que j'ai beaucoup aimé cet univers sombre, sensuel et violent, ce style graphique très personnel (qu'on aime ou qu'on déteste mais qui cadre bien avec le sujet: personnages souvent caricaturaux à l'exception des principaux protagonistes, couleurs volontairement restreintes, le dessin qui se précise et s'affine de tome en tome - 10 ans pour fignoler l'évolution, un peu raide au début, de plus en plus souple avec des cadrages plus audacieux)

sur les toutes premières planches, Bernard semble avoir 12 ou 13 ans à tout casser, ce qui rend la séquence sexy qui va suivre assez malsaine. On en sait pas au final son âge, mais il doit avoir plutôt 17 ou 18 ans.

Et depuis, l'auteur s'est confié sur.. une maladie génétique qui existe dans sa famille, se manifestant par... des problèmes oculaires,
un secret de famille qu'il semblait ignorer pourtant lors de l'écriture de sa série. Troublant.
Ici encore une page qui évoque les références historiques utilisées par Yslaire pour son oeuvre majeure, même sises personnages sont allégoriques pas question de faire dans l'à peu près au niveau de l'Histoire.

Voilà, relecture concluante, j'ai adoré ces quatre tomes ambitieux et flamboyants, qui concluent! Donc pour tenter une découverte de l'auteur, c'est exactement ce que je conseillerait. Une BD qui se classe facilement dans mon top 3 en franco-belge ( et je n'ai pas réfléchi aux deux autres!)

Par contre je croise les doigts pour que jamais, jamais il n'y ait d'adaptation cinéma. Les adaptations de BD sont à la mode et sont souvent des catastrophes. A l'extrême limite, une adaptation animée, mais pité, pas en prises de vues réelles. La force de la Bd, c'est justement son graphisme très travaillé et sa colorisation particulière, et je ne pense pas que ça serait retranscrit de manière convaincante.

1 commentaire:

  1. Il me semble avoir lu le premier tome il y a longtemps... Je regarderai à la bibliothèque s'ils ont cette série ! Bon weekend !

    RépondreSupprimer