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lundi 22 mars 2021

Nous - Evgueni Zamiatine

C'est très rare que je relise un livre, encore plus un livre que j'avais déjà chroniqué ici.. mais, pour cause de lecture obligatoire au second semestre, hop relecture de ce pionnier de la dystopie qui a influencé A la fois le Meilleur des Mondes et 1984.

C'est un miracle que dans un cours de littérature en fac, la lecture imposée soit un roman de SF, des choses changent, youhou!
Et donc, je l'avais précédemment lu sous le premier titre français " nous autres", je n'ai pas relu ma critique de l'époque pour ne pas m'auto influencer.
Mais donc, à ma plus grande satisfaction, le roman a été retraduit il y a quelques années, Et se contente du simple " Nous", qui est son titre original "Мы".



Plus j'y repense et plus je trouve que ce premer titre était complètement absurde, puis qu'il pose l'idée qu'il y a "nous" d'un côté et une altérité, qui n'est pas du tout pensée dans le roman. Les citoyens de l'état unitaires sont même incapables de se penser autrement que des rouages de l'Etat, parfaitement interchangeables. Au point de se considérer comme malades s'ils développent "l'imagination", cette chose qui les distinguent de la masse, et rien n'est plus douloureux, ni angoissant que d'être " différent". Et nombre se précipitent en masse pour se faire opérer ( lobotomiser) afin d'être enfin débarréssés de cette imagination encombrante qui les éloigne de la perfection, de l'idéal mécanique, du robot parfait et infaillible car dénué d'états d'âmes.

Il n'y a pas "d'autres", s'il y en a eu à un moment, 300 ans avant les faits narrés, soit ils ont disparu au delà du "mur vert" et on n'y pense même plus, soit ils sont retournés à l'état sauvage et dans ce cas, ils comptent pour quantité négligeable. D'autant que ce sont des mutants, couverts de fourrure " sauvage". Il n'y a que le "nous" qui existe, et doit exister,c'est ce que professe le narrateur. A peine arrive-t-il à se représenter une existence extra-terrestre, pour laquelle il a pourtant la mission civilisatrice de rédiger des notes afin de les convaincre des bienfaits de l'Etat unitaire et du nous indistinct.

Ou plutôt si il y a des autres.. perçus comme danger pour l'Etat et donc pourchassés, il y a forcément des mouvements de résistance interne qui se mettent en place. Mais ils sont considérés comme memebres malades à amputer pour soigner l'organisme dans son ensemble.

Donc ce "autre "n'avait strictement rien à faire là, dire "nous autres" c'est se penser par rapport et par opposition à quelque chose, et c'était à la limite de la trahison du contenu.
Donc je ne reviendrais pas sur la trame qui est celle développée par la suite par Orwell, avec la surveillance à tous les niveaux, Big Brother, et le grain de sable qui va enrayer ces rouages, de l'intérieur. Parce que dans cette société formatée, qui a élevé les mathématiques au rang de principe de vie, et qui considère l'imagination comme une dangereuse maladie mentale, on retrouve tout à fait la critique du totalitarisme qui a fait le succès du roman d'Orwell en 1948.

Sauf que.

Orwell a écrit 1984 en 1948. Soit après la fin de la guerre et de manière quasi contemporaine des totalitarisme (Les régimes Nazi et Mussoliniens avaient disparu, mais Staline était encore bien vivant et son régime aussi. Donc la société qu'il décrit est plus que vraisemblable, elle était réelle à ce moment là.

Huxley a écrit le Meilleur des Mondes en 1931, avant la pleine expansion des régimes totalitaires en Italie et Allemagne, mais déjà en pleine période stalinienne. Lénine est mort en  1924, les purges allaient avoir lieu au milieu des années 1930, les choses prnaient ue n mauvaise tournure en Italie et en Allemagne, donc là aussi, on peut se dire qu'il suffisait d'ouvrir les yeux et de faire un peu de déduction pour prévoir l'évolution des choses. Le système qu'il dépeint n'est pas encore tout à fait mis en place, mais il est vraisemblable.

Zamiatique a écrit "Nous" en 1920. La publication en a été immédiatement interdite en Russie pas encore URSS, où elle ne se fera qu'en 1988.
Or lorsqu'on lit le roman, on a vraiment l'impression qu'il décrit la situation avec 30 ans d'avance. Au point de se demander si les copies qui en ont circulé sous le manteau n'ont pas simplement servi de manuel politique à " So-so" ( je ne me remets pas de la découverte de ce surnom!)
Là, on peut parler de visionnaire.

Et donc, je recommande bien sur la lecture de cette retraduction qui s'attache à rendre le style , difficile et déconstruit, du texte d'origine. On est dans les années 20, priode du suprématisme et plus tard du constructivisme en peinture, du futurisme en poésie ( même si idéologiquement, beaucoup d'auteurs futuristes ont suivi le mouvement politique avec enthousiasme, au moins, au début, et donc se sont retrouvé en opposition totale avec les vues de Zamiatine, concernant l'objectif de sauteurs, de l'art...)
Mais le style d'origine est heurté, haché, mathématique...
La première traduction française était vraisemblablement une traduction.. de la traduction anglaise des années 1920, et dans un style très recherché, élégant, lyrique... Là encore, on peut parler de trahison du texte original ( à la décharge du traducteur français, si la version sur laquelle il avait travaillé était déjà éloignée du style d'origine)
Et ça passe mieux, les bizarreries qui m'avaient gênée il y a 10 ans n'y sont plus, le texte est plus formellement en accord avec son contenu.

4 commentaires:

  1. J'ai lu, laborieusement Orwell il y a plusieurs années et n'ai pas réussi à entrer dans le meilleur des mondes. Rien à faire.
    Pourtant j'aimerais apprécier la SF, car les thèmes m'intéressent et me parlent.
    Donc je le fais par procuration.

    Ce que tu dis de ce roman est très intéressant, sur le contenu et la traduction... Ces derniers temps, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de nouvelles traductions pour davantage coller aux textes d'origine et aux volontés des auteurs... mais ces traductions d'aujourd'hui seront-elles toujours perçues ainsi dans 20-30 ans (voire plus?)

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    1. La tradcution est en effet quelque chose de mouvant, qui a ses modes. Actuellement, on tente de restituer le plus possible l'intention du texte d'origine, pas seulement le texte. C'est à dire en s'approchant au mieux de la rythmique du texte source. Ce qui va être très compliqué pour une langue très monosyllabique comme le chinois, lorsqu'il s'agit de le transposer en français, ou en allemand, langues qui aiment les mots très longs.
      Au XIXX siècle et XX° siècle, on prenait le parti de franciser au maximum ( et pas seulement en littératutre, il suffit de penser aux dessins animés japonais où les héros s'appelaient Juliette, Sophie, Marc et autres, où celui qui prenait le train pour" Osaka", partait à Nice dans la traduction française...).
      En traduction littéraire maintenant, il est impensable de traduire les prénoms, sauf pour les personnages historiques ou célèbres on écrira donc plus volontiers Léon Tolstoï que Lev Tolstoï ou Pierre le Grand que Piotr premier, Catherine II que Ekaterina la Grande.
      MAis si le héros du roman se nomme Ilya, pas de raison de le franciser en Elie, comme ça avait été le cas pour la première traduction d'Oblomov.
      Que sera la traduction dans 30 ans, c'est difficile à dire. Je pense quand même qu'on ne repartira pas vers une francisation que ce soit des noms ou des lieux. Pour la simple raison qu'à l'époque, les gens voyageaint peu et il était plus simple de vendre un livre qui leur parlait au quotidien. Actuellement les gens bougent, sont plus au courant des réalités de l'étranger, parfois se passionnent pour une culture étrangère. Il n'y a plus besoin de préciser ce qu'est la vodka ou une isba, un kimono ou un sari, le lecteur a un accès bien plus facile à ces informations. Je ne pense donc pas qu'on revienne vraiment à uen traduction francisante.
      Il n'y a qu'en poésie ou le problème se pose vraiment, à cause des rythmes, des rimes, et des effets de styles: faut-il s'attacher au sens du texte, en laissant de côté ses effets sonores, ou faut-il essayer de refaire des rimes à la française quitte à perdre le sens. Là aussi, la première solution est préférée, mais la seconde garde des adeptes. Ce qui rend la traduction de poésie infiniment plus compliquée que le reste.

      Pour la SF, je peux te conseiller plutôt les micro-nouelles de Brown, qui sont teès courtes et humoristiques, donc un paramètre différent de la pure SF ( j'ai aussi des difficultés avec certains type: autant j'adore l'anticipation et la dystopie, autant à de très rares exceptions, j'ai vraiment du mal avec le space opera. Donc tu peux essayer aussi de voir par là quel type de SF te convient le mieux... Ou tenter les oeuvres du début, qui sont encore proche du fantastique. Très difficile de vraiment définir quelque chose comme la Vénus d'Ille, le Marchand de sable, Frankenstein, L'Ile du docteur Moreau par exemple, qui sont du fantastique, mais commence à amener des thèmes typiquement SF: statue animée, robots, monstres scientifiquement créés ou modifés...)

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  2. Que j'ai aimé ce Nous de Zamiatine ! Eh oui, 1920... Tu en parles très bien et j'espère que d'autres le liront ! Bon weekend !

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  3. Très intéressant ton avis sur la traduction et ses "modes". Moi, contrairement à Blandine ;) j'aime beaucoup la SF. Mais par contre ce que tu dis du style de l'auteur ne me tente pas trop trop...

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